PIB ET BIEN-ÊTRE

Y-a-t-il un lien entre PIB et bien-être? Aujourd’hui certains économistes remettent en cause la calcul du PIB comme un indicateur de bien-être. Le rapport Sen-Stiglitz a constitué une impulsion nouvelle pour les travaux visant à « aller au-delà du PIB ». L’indice de développement humain (IDH) se mesure à partir de trois critères principaux : le produit intérieur brut (PIB) par habitant, l’espérance de vie, et le niveau d’éducation. Cet indicateur créé en 1990 est presque préféré au revenu par habitant qui apparaît aujourd’hui comme trop réducteur pour évaluer le niveau de développement en se focalisant que sur des critères économiques. En faisant entrer l’éducation et l’espérance de vie de la population dans sa grille de lecture, cet indice de mesure permet d’être plus précis dans l’analyse du développement. Depuis 2011 et le rapport sur le développement humain, cet indice statistique a été amélioré pour devenir l’IDHI : l’indice de développement humain ajusté selon les inégalités. Plus méthodique encore, il favorise une meilleure appréhension des inégalités entre les États du monde et permet d’adopter une meilleure stratégie de politique mondiale en faveur de l’éducation et du bien-être social.

Les objectifs de développement durable sont depuis longtemps au cœur de l’élaboration des politiques européennes, solidement ancrés dans les traités européens  et faisant partie intégrante des projets clés, des politiques sectorielles et des initiatives. Le programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses 17 objectifs de développement durable (ODD), adoptés par les Nations unies (ONU) en septembre 2015, ont donné un nouvel élan aux efforts mondiaux en faveur du développement durable. L’UE et ses États membres sont attachés à cet accord-cadre mondial historique et à jouer un rôle actif dans la maximisation des progrès vers les ODD.

Les offices statistiques, en particulier l’Insee, mettent aussi en place un « élargissement des comptes nationaux » vers des questions sociales et environnementales, tels que le comptes par revenus des ménages ou bien des agrégats de soutenabilité comme le produit intérieur net de l’épuisement des ressources naturelles. Deux questions se posent. Faut il donner une valeur monétaire au agrégats environnementaux (dommages, dette écologique,..)? Faut il intégrer ces comptes au cadre centrale la comptabilité nationale ou bien faire des comptes satellites ?.

 

Is there a link between GDP and welfare? Today, some economists are questioning the calculation of GDP as an indicator of well-being. The Sen-Stiglitz report has provided a new impetus for work to « go beyond GDP ». The Human Development Index (IDH) is measured on the basis of three main criteria: gross domestic product (GDP) per capita, life expectancy, and educational attainment. This indicator, created in 1990, is almost preferred to per capita income, which is now considered too simplistic to assess the level of development by focusing solely on economic criteria. By including education and life expectancy of the population in its reading grid, this measurement index (IDH) makes it possible to be more precise in the analysis of development. Since 2011 and the Human Development Report, this statistical index has been improved to become the IHDI: the Inequality-adjusted Human Development Index. This more methodical index provides a better understanding of inequalities between the world’s states and allows for a better global policy strategy for education and social welfare.

Sustainable development objectives have been at the heart of European policy-making for a long time, firmly anchored in the European Treaties  and a mainstream part of key projects, sectorial policies and initiatives. The 2030 Agenda for Sustainable Development and its 17 Sustainable Development Goals (SDGs), adopted by the United Nations (UN) in September 2015, have given a new impetus to global efforts for achieving sustainable development. The EU and its Member States are committed to this historic global framework agreement and to playing an active role in maximising progress towards the SDGs.

Statistical offices, in particular INSEE, are also implementing an « extension of national accounts » to social and environmental issues, such as household income accounts or sustainability aggregates (net domestic product of natural resource depletion). Two questions arise. Should environmental aggregates (damage, ecological debt,..) be given a monetary value? Should these accounts be integrated into the central framework of national accounts or should they be made into satellite accounts?

 

«Les comptables nationaux, sauf Kuznets, ont toujours clairement indiqué que leur mesure de la consommation, comme celle de la formation de capital base de consommations futures, ne cherchait pas à estimer la hauteur ou la variation du niveau de vie, encore moins celle du bien être, laquelle dépend de bien d’autres facteur» André Vanoli, Une histoire de la comptabilité nationale.

« La révolution industrielle fut simplement le début d’une révolution aussi extrême et aussi radicales que toutes celles qui avaient jamais enflammé l’esprit des sectaires, mais le nouveau credo était entièrement matérialiste et impliquait que, moyennant une quantité illimitée de biens matériels, tous les problèmes humains pouvaient être résolus. » Karl Polanyi, La Grande Transformation, 1944

 

 

Sommaire

I – LE POINT DE VUE DES ÉCONOMISTES

II – L’ÉQUILIBRE ENTRE DÉMOGRAPHIE, ENVIRONNEMENT, ÉCONOMIE

III – DÉMOGRAPHIE ET ÉCONOMIE

IV – DÉMOGRAPHIE ET ÉCOLOGIE

V – ÉCONOMIE ET ÉCOLOGIE

VI – LES LIMITES DU PIB COMME MESURE DU BIEN-ÊTRE

VII – VERS UNE EXTENSION DES COMPTES NATIONAUX AU SOCIAL ET À L’ENVIRONNEMENT

VIII – LES INDICATEURS DE SYNTHÈSE OU DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

X -LES INDICATEURS  COMPLETS ET DÉTAILLÉS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN FRANCE ET DANS L’UE

X – LA QUALITÉ DE LA VIE

 

 

 

Résumé

° Bien que le PIB soit très largement utilisé, de nombreuses critiques sont formulées à son encontre. Elles sont de deux types : celles qui considèrent qu’il faudrait élargir le PIB au-delà de la seule dimension monétaire, et celles qui portent sur la mesure de l’activité économique elle-même (voir page PIB mondial).

° L’épidémie de Covid 19 a révèle en partie la crise écologique. Certains scientifiques rappellent le rôle de l’Homme dans la dégradation de l’environnement et mettent en exergue le lien entre pandémie et dégradation des écosystèmes. En effet, toutes les santés sont liées, santé des écosystèmes, incluant santé des végétaux, des animaux et des humains. Ces dernières années, les interactions entre les espaces occupés par l’Homme et les espaces naturels se sont accélérées. La destruction et la fragmentation des habitats de certaines espèces, leur mise en élevage, leur trafic illégal, la déforestation  viennent accroître les risques sanitaires

° Outre l’anthropisation des espaces (urbanisation, transport, exploitation…), l’industrialisation de la production agricole et alimentaire, de l’élevage – avec notamment l’usage intensif d’antibiotiques créant des résistantes chez les bactéries – est aussi soupçonnée dans la multiplication des maladies infectieuses et dans la création des conditions propices à leur globalisation»

° Une des conséquences de ces évolutions globales, mais aussi une des causes de la diffusion de ces pathogènes, est la perte de biodiversité au sens large (écosystèmes, plantes, animaux, …). Cette chute ne concerne pas seulement la diminution du nombre d’espèces sauvages, mais également la diversité génétique au sein des espèces cultivées ou d’élevage : une diversité génétique indispensable à la résilience des populations, pour limiter les propagations et faciliter les résistances individuelles ou collectives aux pathogènes (d’origine bactérienne, virale ou fongique). Sans oublier le rôle des barrières naturelles et de la diversité biologique dans la régulation de la transmission des pathogènes : « Une grande diversité d’espèces hôtes potentielles ou effectives limite la transmission des virus par un effet de dilution ».

° Il faut ainsi chercher un point d’équilibre entre les 3 angles du triptyque « démographie, environnement, économie», aussi bien sur le plan des choix politiques que sur celui des priorités statistiques. Le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas une mince affaire d’autant que les opinions sont diverses et que surtout la gouvernance mondiale semble une utopie.

° Quoi qu’il en soit, on remet aujourd’hui en cause l’utilité du PIB.

  • Certains estiment que les aspects environnementaux et sociaux sont peu pris en compte et que la frontière de la production exclut le travail bénévole, notamment la production non rémunérée des ménages;
  • D’autres pensent qu’il est mal mesuré dans une économie numérique et tertiaire;
  • Lorsque l’on augmente la TVA, on augmente le PIB. Le niveau d’intervention publique est donc un paramètre à prendre en compte dans les comparaisons de PIB entre pays.
  • Enfin, la croissance du PIB irlandais sur la période récente est fortement influencée par les transferts de multinationales américaines depuis 2015. Les évolutions du PIB irlandais et de ses composantes ne reflètent plus seulement les fluctuations conjoncturelles(dont c’est portant un objectif essentiel), ni même la richesse d’une nation mesurée par le PIB/ habitant, mais aussi les choix de localisation d’activité des multinationales.

 

° Le PIB fait l’objet de critiques, sur les méthodes retenues pour  le calculer et surtout pour l’interprétation qui en est faite lorsqu’il est considéré comme représentatif du bien-être. Adosser le PIB au bien-être pose question, mais ce serait probablement tomber dans la caricature que de répondre sans nuance dans un sens ou dans un autre. Il est avant tout utile d’identifier les critiques objectives portant sur la façon de calculer le PIB, et aussi de s’intéresser aux indicateurs qui sont présentés aujourd’hui comme une évaluation plus appropriée du bien-être collectif. 

° Les modalités de calcul du PIB ne s’inscrivent guère dans ces considérations. « L’ensemble des phénomènes sociaux n’est pas réductible aux seules dimensions économiques : la comptabilité nationale, qui mesure en termes monétaires la création et les échanges de droits économiques, n’a pas pour objet de mesurer le bien-être , le bonheur ou la satisfaction sociale », indiquaient les comptables nationaux dans leur présentation des méthodes du SECN (Insee, 1985).  le PIB n’est jusqu’alors rien d’autre qu’une mesure de l’activité économique exprimée en unités monétaires, et cette mesure était largement indépendante des conséquences positives ou négatives de l’activité économique.

° Ce type d’avertissement et les très nombreux travaux théoriques concluant à l’impossibilité d’une telle mesure n’ont en fait jamais empêché les hommes politiques, ni certains économistes, d’assimiler le PIB ou le PIB par habitant à un indicateur de bien-être. Ils répondaient à nombre d ‘économistes.

° La question du PIB comme indicateur de bien-être n’est en effet pas toutefois nouvelle.  Elle est presque aussi ancienne que le PIB lui-même. Les limites dans la description du développement économique offerte par la comptabilité nationale et les grands agrégats qu’elle élabore font depuis plusieurs décennies l’objet de critiques de nature conceptuelles ou portant sur les méthodes pratiques de mesure.

° Quels sont aujourd’hui les défis avec une population proche de 8 milliards d’habitants et une dégradation indéniable de l’environnement au niveau mondial Ces défis sont-ils les mêmes qu’en 1936 au moment où le PIB a été mesuré pour la première fois ? Quels sont les enjeux du développement économique dans les pays qualifiés encore il y a peu de « pays en voie de développement » ? Le bien-être est-il quantifiable et quantifié par la croissance du PIB par habitant ?

° Or il semble que les problèmes ne soient plus de même nature qu’au moment de la crise de 1929. Des mutations importantes ont en effet pris une telle ampleur dans le monde sur le plan démographiqueécologique et économique, entraînant des déséquilibres, que les économistes doivent répondre à des nouveaux défis même si des crises économiques subsistent (2007, 2020,…). Alors que le monde est de plus en plus conscient des limites du PIB et du PIB par habitant comme outil de mesure du bien-être des populations (le PIB n’étant qu’une mesure de la somme de la production), économistes et théoriciens en sciences sociales ont tenté de développer des outils plus fins et plus justes. Certains parlent de développer les comptes nationaux dans les dimensions sociales et environnementales comme le font certains instituts statistiques.

 

 

 

 

I – LE POINT DE VIE DES ÉCONOMISTES

Kuznets, précurseur de la comptabilité nationale durant les années 20, avait d’ailleurs mis en garde contre l’utilisation du PIB comme indicateur du bien-être, insistant sur certaines conséquences indésirables la croissance telle que la pollution, l’urbanisation à outrance menant entre autres à la congestion de la circulation automobile. Durant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, la richesse matérielle ne se traduisait pas systématiquement par l’amélioration des soins de santé, de l’éducation et du logement pour les habitants d’un pays. Il a enfin  affirmé que la non-prise en compte du travail domestique constituait une faiblesse.

  • Dans son livre, la grande transformation, paru en 1944, Polanyi définit la « société de marché » par le fait que toutes les activités économiques   sont pensées sur le  mode du marché. Le travail,, terre et monnaie ne sont que des marchandises. On ne peut accepter que le devenir des hommes et de la nature soit soumis aux caprices du marché. En particulier, la recherche effrénée de la croissance peut s’accompagner de nombreux maux : dégradation de l’environnement, production d’objets inutile et rapidement obsolètes, dégradation des conditions de travail. En outre le PIB souffre de sérieuses limites. Il ignore le travail bénévole. Ensuite le PIB ne prend pas en compte la dégradation de l’environnement. Le PIB par ailleurs oublie les inégalités.
  • En 1958, dans l’ère de l’opulence, Galbraith attirait l’attention sur la dégradation de l’environnement, la montée des inégalités et la multiplications des conflits armés qui accompagnent la croissance de l’opulence. Galbraith reconnaît que le système moderne des grandes entreprises est très efficace dans la production de biens. Mais ceux-ci sont très souvent des biens inutiles.
  •  François Perroux pose la question du PIB comme indicateur de bien-être. Dans l’économie du XX eme siècle (1961), il oppose un développement qualitatif fruit de politiques volontaristes à une croissance purement quantitative d’agrégats économiques, c’est à dire nourrir, loger, éduquer, soigner les êtres humains. L’expression de « ressources humaines  » a été forgé par lui en 1974.
  • Pour Amartya Sen, il convient de faire la distinction entre croissance et développement. La croissance renvoie à l’augmentation de la production matérielle mesurée par le PIB. Elle est évidemment essentielle au développement, en particulier avec la croissance de la population. Mais le développement renvoie à un processus beaucoup plus riche, complexe et multidimensionnel dont l’économie n’est qu’une des composantes. Le développement ne doit pas se limiter à la croissance du revenu et de la consommation matérielle. Le bien-être ne dépend pas seulement de ce qu’un individu possède, mais de ce qu’il peut faire, de l’horizon qui s’ouvre à lui et de sa liberté de choisir la voie qu’il veut suivre. Sen a créé l’expression « capabilté » (‘capabiliy’) pour exprimer cette réalité :être pauvre, ce n’est pas seulement être privé de ressources, mais aussi de « capabilités ». Il faut ainsi tenir compte de l’accès aux soins de santé et à l’éducation, du taux de mortalité infantile, du taux d’alphabétisation et plus généralement de la qualité de la vie. Sur la base des travaux de Sen, le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a créé un indicateur synthétique de développement humain, qui cherche à intégrer toutes ces dimensions.
  • Nicolas Georgescu-Roegen a insisté sur la distinction entre croissance et développement. La croissance consiste à produire toujours plus de biens matériels par habitant. Le développement consiste à produire différemment et il est compatible avec la décroissance que prône Georgescu-Roeden. Seule une inversion radicale du processus dans lequel est engagée l’économie mondiale est en mesure selon lui de résoudre les problèmes de chômage, d d’inégalités sociales, de crises économiques, et d’éviter la catastrophe écologique vers laquelle se dirige actuellement la biosphère. Au problème de l’épuisement des ressources naturelles, s’ajoutent ceux de la pollution et de la dégradation de l’environnement. Nicolas Georgescu-Roegen attire l’attention sur ces phénomènes vingt ans avant la mobilisation sur les problèmes de l’environnement et de l’avenir de la planète.
  • Irsa Alderman découvre que la relation entre croissance et équité dans les pays en voie de développement est une idée fausse. On constate que les étapes initiales de la croissance sont toujours accompagnées d’un accroissement des écarts de revenus et d’une aggravation de la pauvreté. Seules des interventions de nature politique sont en mesure d’inverser le processus. Il faut comme l’avait fait Schumpeter distinguer croissance et développement. La croissance est un processus quantitatif qui ne garantit d’aucune manière une amélioration du sort des nations. Non seulement elle peut être accompagnée d’un accroissement de la pauvreté et des inégalités, mais aussi de l’exploitation des catégories sociales les plus vulnérables, de la diminution des libertés politiques et d’atteintes à l’environnement. Le développement, processus qualitatif et social, doit canaliser la croissance, ce qu’Alderman a appelé la « paupérisation ». L’idée qu’il faut créer la richesse avant de la répartir serait une dangereuse illusion.
  • William Baumol traite des problèmes de la conservation des ressources et de la protection de l’environnement dans deux ouvrages publiés en 1975 et 1977. Pour Baumol, la croissance n’entraîne pas nécessairement un accroissement de la qualité de la vie, pollution et encombrements étant liés à des imperfections structurelles dans les économies de marché. De manière plus générale, les gouvernements doivent trouver des moyens pour inciter les entreprises à mener des activités susceptibles d’accroître le bien-être de la collectivité, d’atteindre ce qu’il a baptisé la « super-équité » (« Superfairness »).
  • Le rapport Sen-Stiglitz-Fitoussi a constitué à la fois une synthèse de ces critiques et une impulsion nouvelle pour les travaux visant à « aller au-delà du PIB ».  Ce rapport examine plus ou moins les questions suivantes ;
    • la prise en compte des distributions des opérations du compte des ménages ; En quel sens précis la comptabilité nationale peut-elle, s’agissant du compte des ménages, prendre en compte les distributions » ? Comme on sait, pour décrire les différentes opérations du compte des ménages la comptabilité nationale ne retient que des agrégats. Or, grâce aux sources microéconomiques, de plus en plus nombreuses, on connaît souvent la distribution des variables correspondantes. Ne peut-on utiliser ces distributions pour produire des « comptes distributionnels » ? C’est-à-dire des comptes qui, outre l’établissement d’un  ensemble d’agrégats monétaires mis en cohérence, selon des méthodes normalisées internationalement, pourrait aussi exhiber la distribution de ces agrégats dans la population, permettant ainsi l’interprétation des comptes en terme d’inégalité,
    • la prise en compte de la production domestique de services,
    • l’intégration de dimensions non monétaires (l’état de santé, la qualité de l’environnement naturel, la sécurité, le capital social…)
    • la mesure directe du bien-être (« bonheur », « satisfaction dans la vie »…)
  • Aujourd’hui, les bienfait de la croissance seraient désormais contrebalancés par ses inconvénients : isolement des individus, dégradation de la santé des personnes, pollution,..  Si l’idée de décroissance reste minoritaire, le consensus se fait sur l’idée de  réorienter nos économies, et ce à l échelle mondiale. Cependant à l’inverse du New Deal des années 1930, ce programme souffre du grave défaut de ne pas permettre d’amélioration à court terme de la situation des personnes – au contraire. Il devrait donc être accompagné de  mesures compensatrices afin de convaincre du caractère collectif et solidaire de l effort demandé ?

Dans les années 1930 et 1940, les travaux de Colin Clark et de Simon Kuznets permirent d’améliorer considérablement la mesure du PIB, condition indispensable pour suivre les effets de la politique économique et qui firent défaut aux gouvernements français dans les années 30 comme le regrettait Alfred Sauvy.  En 1936, le monde est plongé dans la dépression depuis sept ans; les chômeurs se comptent par millions. Mais les théories économiques dominantes continuent d’enseigner que le sous-emploi ne peut être que temporaire, que les lois du marché rétabliront naturellement la situation et que l’État ne doit pas intervenir directement dans la vie économique.

° C’est dans ce contexte que John Maynard Keynes publie son ouvrage « Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie ». Ce livre mettait en évidence la responsabilité de l’État qui, par sa politique budgétaire, pouvait ramener le pays au plein emploi. Pendant près d’une trentaine d’années, la politique économique de tous les pays du monde occidental fut directement basée sur les principes définis par Keynes. Ce n’est que dans les années 70, avec le développement d’un chômage résistant aux thérapies keynésiennes, qu’une remise en cause sérieuse des théories et des préceptes de Keynes est apparue.

La comptabilité nationale, telle qu’elle existe dans tous les pays du monde, s’inscrit directement dans le prolongement de l’œuvre de Keynes, et ceci quelles que soient par ailleurs les orientations des politiques économiques menées. Sa cohérence, sa rigueur et sa continuité l’ont imposé comme un outil irremplaçable d’analyse de l’activité économique, indépendamment de l’adhésion ou non aux conceptions qui ont prévalu à sa naissance. C’est de 1936 également que datent les premiers tableaux entrées-sorties de Wassily Leontief.

Quand Keynes écrit son livre, la population mondiale vient de dépasser 2 milliards d’habitants. Le souci majeur est alors de répondre à la crise des pays industrialisés (voir page Reprise économique fragile). On s’occupe à peine des questions écologiques, encore moins des problèmes démographiques. Entre 1700 et 1930, la population mondiale a commencé de croître, (comparée aux cinq siècles précédents du fait de la stabilité démographique entre 1250 et 1500), mais pas de manière significative.

Quels sont aujourd’hui les défis avec une population proche de 8 milliards d’habitants et une dégradation indéniable de l’environnement au niveau mondial ? Ces défis sont-ils les mêmes qu’en 1936 ? Quels sont les enjeux du développement économique dans les pays qualifiés encore il y a peu de « pays en voie de développement » ? Le bien-être est-il quantifiable et quantifié par la croissance du PIB par habitant ?

Or il semble que les problèmes ne soient plus de même nature qu’au moment de la crise de 1929. Des mutations importantes ont en effet pris une telle ampleur dans le monde sur le plan démographique, écologique et économique, entraînant des déséquilibres, que les économistes doivent répondre à des nouveaux défis même si des crises économiques subsistent (2007, 2020,…). Alors que le monde est de plus en plus conscient des limites du PIB et du PIB par habitant comme outil de mesure du bien-être des populations (le PIB n’étant qu’une mesure de la somme de la production), économistes et théoriciens en sciences sociales ont tenté de développer des outils plus fins et plus justes.

 

 

 

 

 

 

 

II – L’ÉQUILIBRE ENTRE DÉMOGRAPHIE, ÉCOLOGIE ET ÉCONOMIE

 

1/ Démographie

    • Jamais dans l’histoire du monde il y eut une explosion démographique comme celles que nous connaissons pour atteindre bientôt 8 milliards d’habitants. Aujourd’hui, nous sommes plus de 7,6 milliards d’êtres humains sur Terre (dernière révision des Nations unies, dans son rapport de juin 2017). Selon les dernières projections, nous serons 9,5 milliards d’ici 2050 selon les projections moyennes.
    • Les estimations suivantes de la population mondiale à travers le temps se basent sur la synthèse du Bureau du recensement des États-Unis pour la période allant de -10000 à 1940 et pour les années antérieures sur les données de l’ONU. On observe que la population a connu une faible croissance durant des milliers d’années, alors que la fin de l’époque moderne marque le passage à une croissance accélérée d’allure exponentielle avec un taux de croissance élevé de la population, faisant passer le nombre de personnes vivant sur Terre d’environ 650 millions en 1750 à plus de 1,2 milliard en 1850 et à plus de 2,5 milliards en 1950. Bien que le taux de croissance diminue, la population continue de croître de plus de 400 millions d’individus tous les cinq ans. On note le poids croissant de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud. D’autres facteurs expliquent cette croissance (fécondité, mortalité, nuptialité,…).
    • L’eau est la ressource la plus précieuse sur Terre : une surpopulation mondiale pourrait entraîner des conflits généralisés liés à l’eau. À l’heure actuelle, 80 pays manquent d’eau et une personne sur cinq n’a pas accès à l’eau potable.
    • En outre, les pays les plus développés possèdent assez de ressources pour nourrir l’ensemble des habitants de la planète. Pourtant, tous les individus de la planète ne mangent pas à leur faim, les denrées alimentaires étant inégalement distribuées. L’une des conséquences de la surpopulation mondiale serait d’aggraver ces inégalités, provoquant des famines.
    • Enfin, la pollution de la planète n’est pas directement liée à la surpopulation mondiale. Les pays les plus développés sont ceux qui polluent le plus, mais aussi ceux qui ont les taux de natalité les plus faibles. Un Américain pollue ainsi 91 fois plus qu’un habitant du Bangladesh. Toutefois, si la croissance des pays émergents poursuit son ascension et si les pays développés ne restreignent pas la pollution qu’ils engendrent, alors, la surpopulation mondiale aura une conséquence désastreuse sur l’environnement de notre planète.

 

2/ Écologie

    • Jamais, depuis au moins trois mille cinq cents ans, nous n’avons connu un réchauffement climatique de cette ampleur (E. Le Roy Ladurie). Nous sommes aujourd’hui à une hausse d’environ 0,9 degré en moyenne depuis 1850, et si l’avenir confirme les prévisions d’une augmentation des températures de 2 degrés, voire plus, au cours du XXIe siècle, il faut bien comprendre que cela entraînera une modification importante du climat.  Très vite, on a pu constater de visu cette réalité avec le recul des glaciers, qui marque la rupture progressive du pacte entre l’homme et la nature.  Or la rupture de ces équilibres est patente. Certains ont pu dire que la rupture du climat remonte à l’invention de l’agriculture, mais la vraie perturbation du climat commence, semble-t-il, avec la révolution industrielle. Certes de 800 à la fin du XIIIe siècle, l’Europe devient plus sèche et plus chaude « petit optimum médiéval (POM) ».
    • Jamais dans l’histoire du monde la déforestation a atteint une telle proportion dans certaines régions du monde. La perte des surfaces forestières, la déforestation est causée par de multiples facteurs, certains humains et d’autres naturels. Parmi les facteurs naturels on trouve notamment les incendies de forêt, les maladies pouvant affecter les arbres ou les parasites. Mais ce sont surtout les activités humaines qui sont responsables de la déforestation au niveau mondial. La conséquence la plus connue de la déforestation est la menace de la biodiversité. En effet, la forêt est un habitat très dense en biodiversité mondiale, certaines forêts étant même de véritables hub de biodiversité parmi les plus riches du monde. Qu’il s’agisse de mammifères, d’oiseaux ou encore d’insectes, d’amphibiens ou de végétaux, la forêt abrite des espèces parfois rares, souvent fragiles. En détruisant ces milieux naturels, les activités humaines menacent donc l’existence de ces espèces et cela peut avoir des conséquences importantes sur les équilibres naturels.
    • Il toutefois  noter que si effectivement la population grandit à un rythme considérable, la croissance démographique commence à ralentir du fait de la transition démographique que connaissent les pays qui se développent et s’industrialisent. Pourtant, malgré ce fléchissement, la dégradation environnementale continue de s’accroître [3]. Les variables représentatives de l’évolution de l’état de la planète augmentent sensiblement au même rythme que la croissance démographique. Les variables typiques présentées sont la température terrestre moyenne, le niveau global des océans et la surface de terres converties à l’agriculture et au pâturage. Ce dernier indicateur montre néanmoins une certaine divergence par rapport à la croissance démographique du fait d’un ralentissement dans les dernières décennies.
    • La plupart des données illustrent le fait que l’empreinte écologique (ou, ce qui revient au même, la dégradation environnementale) évolue en première approximation proportionnellement à la démographie. Cependant, si un lien direct existe bel et bien entre ces variables et la démographie, ce lien ne doit pas nous faire oublier que le niveau de dégradation environnemental et la vitesse d’augmentation de l’empreinte écologique des sociétés par rapport au taux de croissance démographique dépend fondamentalement du système socioculturel et économique.
    • Ce lien entre démographie et empreinte écologique ne signifie donc pas que la population mondiale soit aujourd’hui « trop élevée » puisque la façon dont vit l’ensemble d’une population socialement ou individuellement compte en fait bien davantage dans le bilan environnemental. L’augmentation de l’empreinte écologique de l’humanité et le niveau qu’elle a atteint aujourd’hui pourrait être en fait beaucoup plus mesuré si la civilisation actuelle avait adopté un autre modèle de fonctionnement. Le système socioéconomique, les modes de vie individuels et collectifs, les choix ou les nécessités technologiques sont prépondérants devant la démographie pour déterminer l’empreinte écologique per capita, donc l’empreinte écologique globale. Autrement dit, deux civilisations qui diffèrent par leur « culture » au sens large peuvent induire des détériorations écologiques plus ou moins intenses pour une même taille de population.
    • Ce fait est schématisé sur la figure ci-dessous. Elle montre la dégradation environnementale d’une civilisation hypothétique ayant une empreinte écologique par habitant faible, qui augmente proportionnellement avec la population, mais lentement comparativement à une civilisation ayant une empreinte écologique élevée. Une société pourrait même éventuellement être viable si cette empreinte écologique était suffisamment faible et augmentait assez lentement.
    • Une manifestation de la prépondérance de la « culture » sur la démographie est très simplement attestée par le fait que les pays industrialisés ont globalement une empreinte écologique plus marquée que celle des pays en développement (PED). Chacun sait en effet que l’empreinte écologique de l’Occident est plus élevée que celle des pays pauvres, parce que les premiers consomment plus de ressources, de biens et services, et d’énergie par habitant. À titre d’exemple, les pays du Nord et quelques pays du Golfe persique, consomment globalement plus d’eau potable par habitant que les PED, hormis quelques exceptions. Les pays riches sont aussi en moyenne de plus grands émetteurs de GES par habitant. Par suite, si l’ensemble de la population terrestre avait une empreinte écologique par personne considérablement réduite, c’est-à-dire si les pays riches réduisaient considérablement la leur et si les pays émergents réussissaient à se développer avec une empreinte écologique mesurée, l’humanité pourrait peut-être être viable (sur le long terme).
    • C’est aussi du fait de la prédominance du mode de vie que la répartition de la population mondiale à travers les différents États compte également dans le bilan environnemental mondial, chaque pays ayant son propre niveau de développement, sa propre culture, son propre mode de vie et son empreinte locale. C’est aussi pour cette différence d’impact par habitant que le phénomène de migration des populations joue un rôle sur le bilan global. Quoiqu’il en soit, la prépondérance du type de société ne doit pas empêcher les sociétés de mettre en place des mesures visant à modifier leur mode de fonctionnement pour le rendre moins dommageable pour l’environnement, mais aussi à limiter la croissance démographique, par la promotion de l’éducation, notamment chez les filles, et par des mesures de planification familiale des naissances.

3/ Économie

    • Jamais dans l’histoire du monde économique, il n’y a eu une telle mondialisation, c’est-à-dire pas seulement accroissement des échanges extérieurs, mais aussi création de multinationales qui délocalisent la production et surtout depuis le début des années 2000, éclatement de la production d’un objet entre de multiples intervenants de différents pays (« chaines de valeur mondiale »). La dynamique récente du PIB irlandais s’explique principalement par l’augmentation des exportations (+60% au premier trimestre 2015) [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page)
    • La propriété économique sur une production réalisée à l’étranger a été rattachée via des contrats de « travail à façon » (TAF) à des filiales irlandaises. Le TAF intervient en comptabilité nationale lorsqu’une entreprise a recours à une entreprise à l’étranger pour fabriquer des produits pour son compte, mais qu’elle garde la propriété économique sur cette production. La production (par exemple 20) est donc matériellement réalisée à l’étranger mais comptablement traitée comme une production irlandaise (30) suivie d’une exportation (30). Aucun changement de propriété économique n’intervient alors durant le processus de sous‑traitance. Le TAF est courant dans le secteur de l’électronique, où le donneur d’ordre fournit simplement les intrants nécessaires, par exemple, à la production de Smartphones et le sous‑traitant fabrique les produits finis. La hausse des exportations par le TAF ne correspond donc pas à des échanges de biens qui traverseraient physiquement la frontière irlandaise mais à des marges (10 = 30 – 20) réalisées à l’étranger et intégrées dans les échanges de biens irlandais. Ceci explique donc que l’essentiel de la variation des exportations en comptabilité nationale provient d’une augmentation des ajustements, incluant le TAF, opérés sur les statistiques douanières qui enregistrent pour leur part uniquement les échanges transitant « physiquement » par la frontière irlandaise.
    • Plus largement, les transactions des multinationales américaines sont aussi à l’origine d’excédents des comptes courants dans les centres financiers européens (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas,..) et provoquent des asymétries statistiques entre la zone euro et les États-Unis. En 2018, l’excèdent courant de la zone euro est de +131 Mds d’€ selon la BCE alors qu’il est de +40 Mds d’€ selon le Bureau of Economic Analysis (Office statistique des États-Unis). Une adaptation et une révision des normes de la comptabilité nationale n’est-elle pas nécessaire afin de parvenir à un enregistrement cohérent des transactions des multinationales, notamment en clarifiant le concept de propriété économique de la production et des produits de la propriété intellectuelle ?
    • Une autre question serait celle de la mesure du PIB avec l’économie numérique au point de minorer sa croissance. L’explosion de l’économie numérique et des services en général amène à réfléchir sur des questions au cœur du PIB (mesure des services quasi-gratuits, partage volume-prix, qualité des services rendus aux usagers,etc…). Or il faut bien admettre qu’avec cette mutation, le PIB est difficile à évaluer aussi bien en valeur (certains services de cette économie sont quasi-gratuits) qu’en volume (les gains de productivité y seraient mal mesurés, sous-évalués ?). Mais sait-on vraiment si les effets de cette économie numérique sont si positifs pour l’usager?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III – DÉMOGRAPHIE ET ÉCONOMIE

N’y-a-t-il pas un moment où croissance économique, démographie  et environnement rentrent en conflit? Le 1er novembre 1755, un tremblement de terre de forte magnitude, suivi d’un tsunami et d’un incendie, ravageait la ville de Lisbonne, provoquant la mort de quelque 60 000 personnes. Cet événement a été à l’origine d’une dispute philosophique passionnante opposant Voltaire et Jean-Jacques Rousseau. Pour le premier, cette catastrophe illustrait le caractère ô combien misérable de la condition humaine, exposée aux coups du sort et aux décrets insondables de la Providence. Le second imputait l’étendue du désastre à l’expansion des villes, à la concentration des populations, bref aux excès de la civilisation, désormais trop éloignée de l’état de nature.

Si certains sont prêts à contester l’analyse de l’auteur de Zadig, ils sont loin de partager la radicalité de la critique du Promeneur solitaire. Tout au plus, font-ils le constat que la fréquence des catastrophes naturelles augmente, que leurs coûts explosent (306 milliards de dollars en 2017, année record) et qu’elles font bien plus de victimes qu’il ne fallut en déplorer à Lisbonne. Ils se satisfont d’une explication univoque : l’activité humaine génère des gaz à effet de serre, lesquels entraînent un réchauffement de l’atmosphère à l’origine des dérèglements climatiques. Il suffirait de modifier nos comportements, de privilégier un nouveau mix énergétique pour que tout s’arrange.

Ils y auraient ainsi plusieurs visions opposées sur les mécanismes actuelles liant la surpopulation, la dégradation de l’environnement et la croissance économique. On en résume quelques unes à l’image de cette page qui n’a d’autres ambitions que d’essayer de faire une synthèse des études en cours.

 

1/ L’explosion démographique

Les estimations suivantes de la population mondiale à travers le temps se basent sur les données de l’ONU) [3]. La population a connu une faible croissance durant des milliers d’années, alors que la fin de l’époque moderne marque le passage à une croissance accélérée d’allure exponentielle avec un taux de croissance élevé de la population, faisant passer le nombre de personnes vivant sur Terre d’environ 650 millions en 1750 à plus de 1,2 milliard en 1850 et à plus de 2,5 milliards en 1950.

 

 

Bien que le taux de croissance diminue, la population continue de croître de plus de 400 millions d’individus tous les cinq ans. Le tableau suivant montre le poids croissant de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud. D’autres facteurs expliquent cette croissance (fécondité, mortalité, nuptialité,…).

 

La transition démographique est le processus historique par lequel une population passe d’un régime démographique caractérisé par un taux de mortalité et un taux de natalité élevés à un nouveau régime caractérisé par un taux de mortalité puis un taux de natalité faibles. Ce type d’évolution a été observé dans les pays d’Europe occidentale à partir de la fin du xviiie siècle, puis dans l’ensemble des autres pays au cours des trois siècles suivants, en liaison avec leur développement socio-économique. Ce processus historique explique pour l’essentiel le décuplement de la population mondiale de 1800 à 2050.

À partir de 1950, les pays en développement connaissent une baisse rapide de la mortalité et donc une progression rapide de la population. C’est lorsque l’espérance de vie à la naissance, qui est de 25 ans dans les sociétés traditionnelles, approche les 50 ans dans ces contrées, ou quand la mortalité infantile, qui est de 300 à 400 ‰ dans les sociétés traditionnelles devient inférieure à 150 ‰, que le déclenchement de la baisse de la fécondité s’opère généralement. Ce déclenchement de la baisse de la fécondité, qualifiée de structurelle si elle est durable et d’au moins 10 %, a lieu entre 1960 et 1980 pour la majorité des pays en développement d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique du Nord et d’Afrique australe, et entre 1980 et 2015 pour l’Afrique intertropicale. En conséquence, la très grande majorité de ces pays connait actuellement une stabilisation ou un freinage du rythme d’accroissement de la population (dernier acte de la seconde phase).

 

En 1950, tous les pays du monde ont déjà connu cette première phase de baisse préalable du taux de mortalité, du fait de la révolution sanitaire. L’Afrique subsaharienne a l’espérance de vie à la naissance (Evn) relativement la plus faible en 1950 (36 ans)4, mais celle-ci est cependant de dix ans supérieure à celle des sociétés traditionnelles (25 ans). Son taux de mortalité est cette année là de 2,8 %, son taux de natalité de 5 % et donc son taux d’accroissement naturel de 2,2 %. Ce taux d’accroissement est en moyenne de 2 % dans les pays du Sud en 1950, taux qui correspond à un doublement de la population tous les 35 ans.

Dans la seconde phase, le taux de mortalité continue à baisser mais plus lentement. En conséquence, le nombre de naissances correspondant au remplacement des générations devient plus faible. En liaison avec les progrès de l’éducation, le changement des mentalités et des structures socio-économiques, le taux de natalité se met alors à décroître. Le maximum du taux d’accroissement naturel est atteint au début de cette deuxième phase. Puis le taux de natalité baisse plus fortement, ce qui implique une décélération du rythme d’accroissement de la population.

À la fin du XVIIIe siècle en France, premier pays européen où s’observe une baisse significative de la fécondité, E.  Le Roy Ladurie constate « une attitude nouvelle vis-à-vis du couple, de la femme plus respectée, de l’enfant valorisé donc plus rare, de la propriété enfin de plus en plus conçue comme ce qui doit être divisé le moins possible, dans un système de valeurs issues de la bourgeoisie qui commencent à se répandre dans les campagnes sous l’influence de l’alphabétisation ».  On a émis aussi l’avis que « l’hypothèse la plus vraisemblable est que l’accession à la propriété privée de la terre a freiné la démographie paysanne »3.

À la fin du XIXe siècle, d’autres pays aujourd’hui développés entament leur transition de la fécondité ; d’autres facteurs ont été avancés : alphabétisation de masse et déclin progressif des idéologies natalistes traditionnelles, industrialisation et travail des femmes à l’extérieur, etc.

À partir de 1950, les pays en développement connaissent une baisse rapide de la mortalité et donc une progression rapide de la population. C’est lorsque l’espérance de vie à la naissance, qui est de 25 ans dans les sociétés traditionnelles, approche les 50 ans dans ces contrées, ou quand la mortalité infantile, qui est de 300 à 400 ‰ dans les sociétés traditionnelles devient inférieure à 150 ‰, que le déclenchement de la baisse de la fécondité s’opère généralement. Ce déclenchement de la baisse de la fécondité, qualifiée de structurelle si elle est durable et d’au moins 10 %, a lieu entre 1960 et 1980 pour la majorité des pays en développement d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique du Nord et d’Afrique australe, et entre 1980 et 2015 pour l’Afrique intertropicale. En conséquence, la très grande majorité de ces pays connait actuellement une stabilisation ou un freinage du rythme d’accroissement de la population (dernier acte de la seconde phase).

 

 

 

 

 

2/ relation entre croissances démographique et économique

D’un coté, certains ne mettent pas au premier plan la question de l’environnement mais la relation entre croissances démographique et économique : toutes les catastrophes naturelles ne sont pas imputables au climat. Songeons au tsunami asiatique de 2004 qui fit 250 000 morts, ou au tremblement de terre de 2010 en Haïti, aussi dévastateur. Si les cataclysmes provoquent plus de dégâts, c’est aussi parce qu’ils toucheraient des centres de population plus denses qu’autrefois et qu’ils détruisent des infrastructures et des équipements plus onéreux.

Tout au plus, cette  pression exercée par l’homme sur son environnement occasionne d’autant plus de dommages qu’elle s’exerce sur des zones fragiles : le littoral, les forêts, les zones sismiques, etc. La localisation des populations n’est pas non plus maîtrisée. En quelque sorte, les catastrophes naturelles ne vont pas à l’homme, c’est lui qui, en rangs serrés, se porte à leur rencontre.

Si on prend comme critère le PIB annuel par habitant, les statistiques des Nations Unies indiquent que celui-ci ne s’est élevé que de 467 dollars/h, en l’an 0, à 667 dollars /h en 1820, en prenant en compte l’inflation et la dépréciation monétaire qui en a résulté. Durant ces 18 siècles, la croissance économique a rarement dépassé 1%. Par comparaison, le PIB par habitant, au niveau mondial, a dépassé 7 215 dollars en 2006, et 11253  dollars en 2017, l’essentiel de la progression s’étant produit depuis 1945. A titre d’illustration, la France a connu une croissance annuelle du PIB de 5,3 % entre 1949 et 1974,  2,3% entre 1974 et 2007, et 1% entre 2007 et 2019, le supplément de croissance réalisé après la Seconde Guerre Mondiale étant essentiellement dû à la reconstruction.

Ainsi, si on rapproche les statistiques de la croissance économique et celle de la démographie, on constate une forte corrélation : la hausse de la population mondiale a entrainé un accroissement du niveau de vie moyen, avec bien sûr, de fortes disparités. Une population jeune implique une force de travail plus importante (coté « offre ») et un besoin de consommation accru (coté « demande ») ; par ailleurs, la jeunesse favorise le dynamisme économique, à travers l’innovation et la recherche de nouveaux produits. La croissance démographique provoque une urbanisation accélérée de la planète : en 1960, il y avait environ 300 millions de citadins de grandes métropoles (villes de plus d’un million) ; en 2012, ils étaient 2 milliards (dont 350 millions en Chine). Autrement dit, la croissance de la population favoriserait la croissance économique d’une façon « permanente « , contrairement aux périodes de reconstruction qui suivent les guerres (par exemple les « Trente Glorieuses »). Encore faut-il que la gouvernance politique mondiale en fasse bon usage et ne gaspille pas les fruits de cette croissance par des actions ou des initiatives stériles.

L’Asie et l’Amérique latine, dans un premier temps, voire l’Afrique dans un second temps, vont incarner ainsi le vrai potentiel de croissance de la planète. En 1913, l’Europe était plus peuplée que la Chine ; en 2010 la Chine représente deux fois l’Europe, qui ne représentera que 6% de la population mondiale en 2030 (contre 15% pour la Chine. En 1950, l’ensemble de « l’Occident » (Europe, États-Unis) assurait 68% du PIB mondial, contre 30% en 2030, selon les prévisions de la Banque Mondiale.

Peut-on alors anticiper les évolutions prochaines sous réserve de l’absence de pandémies ? La croissance devrait rester forte dans les pays émergents et en particulier, en Afrique, qui bénéficie pleinement du décalage entre baisse de la mortalité (rapide, malgré les épidémies, telles que le SIDA, ou les guerres) et la baisse de la natalité, encore lointaine. Par contre, les pays développés entrent dans « l’hiver démographique » et donc une certaine stagnation économique avec toutefois des différences en matière d’équilibres  monétaires selon les pays (Nord et Sud de l’Europe par exemple). C’est déjà le cas du Japon, dont la population diminue dans un contexte de déflation. D’autres pays s’en rapprochent rapidement : la Russie (qui fait illusion, de temps en temps, lorsque le prix des matières premières est à la hausse), l’Allemagne (malgré l’afflux d’immigrés), l’Italie et même l’Espagne. Pour l’instant, la France semble préservée au niveau démographique. Mais c’est en grande partie grâce à une politique nataliste (création de crèches, allocations familiales et avantages fiscaux). Ce vieillissement pose ainsi le problème du financement des retraites et des dépenses de santé, surtout dans des pays comme la France, qui ne dégage pas d’excédent commerciaux des échanges extérieurs.

 

 

3/ L’accroissement de la population serait déséquilibré

Selon une vision moins optimiste, d’autres économistes disent que cet accroissement de la population est déséquilibré. Cette simultanéité entre croissance démographique et déclin de l’environnement au cours du siècle passé impliquerait que l’augmentation de la population engendre une dégradation de l’environnement. Dans les 35 prochaines années l’accroissement démographique se situera à raison de près de 95 % dans les pays en développement. Bien que les taux de fécondité se soient effondrés dans la plupart des régions du monde, la croissance démographique continue à être alimentée par la fécondité débridée de certaines régions comme l’Asie et l’Afrique. Dans de nombreux pays du Moyen Orient et d’Afrique, le taux de fécondité actuel est légèrement supérieur à 6 enfants par femme (6,4 en Arabie Saoudite, 6,7 au Yémen, et même 7,5 au Niger). Même dans les zones où les taux de fécondité ont atteint la limite supérieure du seuil de reproduction (2,1 enfants par couple), la population continue à augmenter en raison du « momentum démographique », phénomène qui intervient lorsque les jeunes composent une grande partie de la population. Or ces pays sont les moins bien équipés pour y faire face.

La croissance démographique incontrôlée joue un rôle déterminant dans la dégradation de l’environnement mondial. Plus les hommes sont nombreux, plus les répercussions de leurs activités sont importantes. La qualité de l’environnement se dégraderait rapidement, surtout dans les pays en développement.

Au fil du temps, les modifications de l’environnement de la planète ont commencé à s’accélérer : la pollution a augmenté, l’épuisement des ressources reste un sujet d’actualité et la menace de l’élévation du niveau des océans se fait de plus en plus ressentir.

Bien que les pays industriels soient eux aussi largement responsables de la dégradation de l’environnement, la conjugaison de la pauvreté et de la croissance démographique a, dans les pays en développement, des conséquences très néfastes pour le développement humain et constitue une grave menace pour la survie de l’habitat et des ressources naturelles de la planète.

De plus en plus nombreux sont les habitants des pays en développement qui souhaitent avoir moins d’enfants, mais la plupart n’ont accès à aucun service de planification familiale.

L. Hunter fait la synthèse de nos connaissances sur l’influence des dynamiques démographiques sur l’environnement [2]. Plus particulièrement, son analyse s’attache aux faits suivants :

  • le rapport entre facteurs démographiques – à savoir, taille, répartition et composition de la population – et les modifications de l’environnement ;
  • les facteurs médiateurs qui jouent un rôle dans ce rapport : technologie, institutions, mesures politiques, et forces culturelles ;
  • deux aspects spécifiques des modifications de l’environnement directement liés à la dynamique démographique : changements climatiques et modifications du schéma d’utilisation des sols ;
  • les répercussions en matière d’action politique et d’objectifs de recherche.

L. Hunter conclut que la dynamique démographique a un impact important sur l’environnement, mais que la taille de la population en elle-même ne représente qu’une variable, certes importante, dans cette relation complexe : d’autres dynamiques démographiques, comme les changements de flux et de densité de la population, peuvent également avoir des répercussions très sérieuses sur l’environnement.

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IV – DÉMOGRAPHIE ET ÉCOLOGIE

1/ la surpopulation serait une cause importante de la plupart des problèmes dans le monde

D’autres chercheurs vont plus loin et proposent de freiner la croissance de la population mondiale tout en préconisant des mesures pour l’environnement. Ils mettent en relief que la surpopulation est une cause importante de la plupart des problèmes dans le monde. Chaque pays dans le monde est ou sera confronté à un manque de nourriture, d’eau potable ou d’énergie.

Grâce à l’importation de marchandises en provenance d’autres nations, un pays peut encore toujours maintenir son niveau de prospérité. Mais cela ne continuera pas indéfiniment. En effet, le nombre d’habitants par pays croît. La population mondiale  continuant de croître, le risque est grand que de plus en plus de pays se réservent leurs propres produits.

La terre ne pourrait offrir une qualité de vie semblable au niveau de l’Union européenne que pour environ deux milliards d’individus. Avec huit à dix milliards d’habitants, le niveau de vie personnel à l’échelle mondiale s’abaisserait à celui d’un paysan pauvre ne pouvant guère pourvoir qu’à sa propre nourriture et ne connaissant pas le bien-être. Il faudrait donc tout partager loyalement afin de ne provoquer ni disputes ni guerres.

Notre climat change, que cela soit dû à la pollution engendrée par les hommes ou aux changements dans notre système solaire. Le niveau de la mer ne devra que très peu augmenter pour faire disparaître des terres agricoles déjà précieuses. On pense préserver provisoirement la population de la faim en recourant aux engrais, à l’élevage intensif d’animaux et à d’autres méthodes de survie.

L’humanité a tendance à vouloir plus de bien-être. Partout dans le monde, le nombre de voitures et de réfrigérateurs augmente à un rythme effréné. Viendra alors le moment où croissance de la population et augmentation du bien-être s’entrechoqueront. Il existe de sérieux risques que la planète soit submergée par des gens à la recherche de nourriture et de bien-être.

Certains gestionnaires des pays avancés avancent volontiers l’argument que la technique porte en elle les solutions à nos problèmes. Malheureusement, les mécanismes techniques n’ont pas encore pu notablement lutter contre la faim dans le monde. Là où la reconnaissance et la résolution de problèmes à l’échelle mondiale se font attendre, il y a naturellement une recrudescence de la guerre et de la violence. En effet, tout le monde veut survivre.

La seule solution serait une politique démographique à l’échelle mondiale. Malheureusement, discuter de la surpopulation et de la politique démographique reste bien souvent un tabou. La vie économique et les religions n’ont souvent mis l’accent que sur la croissance de la population. Voir leur niveau de vie diminuer est pour les plus riches souvent aussi difficile que fuir la pauvreté pour les plus pauvres. De plus, le scénario de la croissance resterait la croyance universelle lorsqu’il s’agit de la gestion de ces problèmes.

La question démographique serait ainsi le « point aveugle » de l’écologie politique. Pendant que le cerveau droit de la communauté internationale débattrait d’un seuil de température à ne pas dépasser, son cerveau gauche contemplerait impassible des projections de population qui s’inscrivent dans la partie haute de la fourchette. La COP21 aurait complètement ignoré cette problématique. Entre 1990 et 2014, les émissions de CO2 dans le monde ont crû de 58 %, mais seulement de 15 % par tête d’habitant. L’augmentation de la population y aurait donc contribué environ pour les trois-quarts.

La démographie est, par excellence, le domaine des externalités. Longtemps elles ont été positives, du fait que la coopération d’un plus grand nombre d’hommes, rassemblés dans les villes et les usines, décuplait les forces productives. Mais il en est de négatives : la venue au monde d’un enfant affecte l’existence future d’autres individus. Dans notre État social, ses concitoyens se voient assigner, quoiqu’il advienne, un devoir de solidarité à son égard. Devenu adulte, il contribuera à l’augmentation de la pression anthropique, pas seulement dans son voisinage, mais partout sur la planète. Aujourd’hui, on a sans doute atteint le point d’inflexion à partir duquel les externalités négatives l’emportent.

Pour lutter contre elles, deux issues sont possibles : l’interdiction assortie de pénalités ou l’incitation. La Chine n’a pas hésité à emprunter la première voie. La politique de l’enfant unique n’est pas étrangère à son essor économique. L’Inde s’y est aussi essayée dans les années 70, mais avec un succès moindre : 1,350 milliard d’habitants aujourd’hui, soit un triplement en 50 ans ! Ailleurs dans le monde, on se contente d’attendre que l’élévation du niveau de vie dissuade les couples de multiplier les naissances. Ce mécanisme est effectivement à l’œuvre, puisque les taux de fécondité ont diminué de façon spectaculaire, en Occident depuis des décennies et, depuis peu, en Asie et au Moyen-Orient. Mais grande est l’inertie des phénomènes démographiques. L’Afrique reste à la traîne, et elle contribuera à près de 60 % de l’augmentation attendue de la population mondiale à l’horizon 2050 (+1,3 milliard). Les politiques de planning familial y resteraient notoirement insuffisantes.

Dans la vaste négociation qui se noue autour du climat, un plus juste partage du fardeau serait souhaitable. Les pays développés, qui ont trop pollué la planète dans le passé, sont prêts à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. En contrepartie, les pays en développement, dans leur intérêt bien compris, devraient contenir avec la plus grande énergie la progression de leur population. Si chaque pays parvenait dès aujourd’hui à stabiliser ses émissions de CO2 par tête d’habitant, leur volume global progresserait encore de 16 % d’ici 2050, sous l’effet du croît de la population mondiale. Inversement, pour maintenir ce volume à son niveau actuel, il faudrait que les pays en développement maintiennent inchangées leurs émissions par tête, tandis que les pays développés consentiraient à une baisse de 40 % des leurs. C’est dire que la gageure est de taille, et qu’une meilleure maîtrise des variables démographiques serait la bienvenue.

Cette politique du donnant-donnant n’aurait même pas été esquissée. Il eût fallu conditionner les facilités accordées aux pays en développement, notamment africains, (Art. 7 de l’Accord de Paris), à l’adoption de politiques familiales rigoureuses, peu coûteuses au demeurant au regard des 100 milliards de dollars mis sur la table. Un tel système d’incitation suffira-t-il ? Des mesures plus coercitives seront-elles nécessaires pour éviter l’explosion de la « bombe démographique » et ses retombées en termes de guerres et de mouvements migratoires incontrôlables ? À défaut de relever ce défi, les générations futures ne pourront que constater amèrement que la surpopulation aura été « la mère de toutes les catastrophes ».

Une chose semble sure : c’est de plus en plus au niveau mondial que doit se mettre en place une politique démographique (contrôle des naissances, ..), et une politique environnementale.

 

 

2/ La croissance forte de  la population n’aurait rien d’inquiétante sur l’environnement

Pour d’autres, cette croissance forte de  la population n’aurait rien d’inquiétante sur l’environnement [4] : Certes la population augmente fortement depuis un siècle. En 1900, la Terre ne comptait que 1,6 milliard d’êtres humains. En 2020, nous franchissons le cap des 7,8 milliards. Le taux de croissance de la population, très élevé au XX ème siècle (1,8% entre 1950 et 2000) s’est légèrement tassé (1,2% depuis 2000), mais reste largement supérieur à celui des périodes précédentes (Antiquité ou Renaissance). La  population mondiale augmenterait ainsi d’environ 80 millions d’âmes chaque année, soit l’équivalent de la population de l’Allemagne. Une explication simple de cet accroissement réside dans le décalage entre la baisse de la fécondité et la chute de la mortalité (en particulier infantile) : ce sont d’abord les pays développés qui en ont profité, puis les pays émergents, à tel point que l’on prévoit un chiffre de 9,8 milliards d’humains en 2050 dans la variante moyenne. Cette évolution s’est accompagnée d’une forte baisse de la mortalité infantile et d’une augmentation de l’espérance de vie. De surcroît, dans toute l’histoire de la civilisation, globalement, jamais la population n’a été en aussi bonne santé et aussi bien nourrie.

De plus, l’augmentation de la population ralentirait puisqu’on serait arrivé à un certain aboutissement de cette logique un peu partout et la majorité des pays ont réalisé ce qu’on appelle la transition démographique. On distingue 4 phases qui se répèteraient dans tous les pays du monde pour passer à un stade que l’on appelle post-transition. Le pays est sous-développé lorsqu’il a une forte mortalité et une forte natalité. Beaucoup d’enfants naissent, mais beaucoup d’enfants meurent tôt aussi et les adultes n’ont pas une espérance de vie très élevée donc la population reste stable. C’est le cas encore aujourd’hui d’un certain nombre de pays africain, mais aussi de certaines régions rurales de grands pays comme l’Inde. Ce fut le cas de nombreux pays européens jusqu’au XIX ème siècle. Ensuite les innovations techniques, la médecine diminue lourdement la mortalité des enfants et augmentent l’espérance de vie. Cette étape fait entrer le pays dans une phase d’augmentation très forte de la population avec beaucoup de naissances et peu de morts. Cette étape est arrivée successivement à la majorité des pays du monde pendant la première moitié du 20e siècle. Puis on observe une 3e phase de diminution du nombre de naissance, ce qu’on appelle la natalité qui vient ralentir l’augmentation de la population. Cette phase est arrivée dans les pays Européens autour des années 60-70 après le baby-boom. Un pays est considéré comme ayant terminé sa transition lorsque les taux de mortalité et de natalité sont faibles tous les deux et génèrent une quasi-stabilité de la population.

Dans la foulée, ils critiquent l’argument de certains écologistes  : plus il y a de monde, plus on pollue et donc il faut limiter le nombre d’enfants pour moins polluer la planète. Déjà, disent ils, on voit que les pays qui font encore beaucoup d’enfants sont les pays les moins développés et donc les moins pollueurs. De plus un enfant ne pollue pas par sa naissance, mais ensuite selon son train de vie il sera peut-être pollueur ou non. Par ailleurs, la majorité de la pollution mondiale n’est pas générée directement par les individus, mais par quelques industries et le fret sur lesquels les individus n’ont pas la main, et surtout pas les enfants. On remarque que les pays d’Afrique qui font beaucoup d’enfants, ne produisent quasiment pas de C02. Il n’y aurait donc pas de lien entre le fait d’avoir beaucoup d’enfants et le fait de polluer. À l’opposé, c’est au Qatar qu’il y a le plus d’émission de C02 par personne. Ce pays a terminé sa transition démographique, les femmes qataries font moins de deux enfants en moyenne ; ce pays produit du pétrole et donc pollue beaucoup plus que les autres. De même, les États-Unis, la Russie et la Chine sont les 3 plus gros producteurs de CO2, mais tous ces pays ont aussi terminé leurs transitions démographiques et ont désormais moins de 2 enfants par femme. Les pays qui ont un fort taux de CO2 par rapport à leur population sont des pays exportateurs de pétrole. Ce ne serait donc pas la population de ces pays qui produirait du CO2, mais uniquement l’industrie pétrolière. Ce qui compterait pour savoir si un pays pollue c’est surtout sa production, un peu sa consommation et pas du tout son nombre d’enfants ou sa population. Ainsi, la surpopulation mondiale ne serait pas la cause principale du réchauffement climatique.

 

 

 

3/ Synthèse : la démographie influencerait l’empreinte écologique d’une société ou d’une civilisation [4]

La croissance de la population mondiale est telle que de nombreux scientifiques parlent de surpopulation et posent la question de la capacité de charge de la planète sur le plan environnemental.

La croissance démographique a pour effet d’augmenter l’empreinte écologique totale et de diminuer la bio-capacité disponible par tête. Ainsi, malgré les progrès techniques (intrants agricoles, irrigation…) qui ont contribué à augmenter la capacité agricole par l’accroissement des rendements moyens par hectare des cultures, portant ainsi la bio-capacité totale de la planète de 9,5 à 12,2 milliards d’hectares globaux (hag) entre 1961 et 2013, la population humaine mondiale étant passée de 3,1 à près de 7 milliards d’habitants durant la même période, la bio-capacité disponible par tête a été ramenée de 3,12 à 1,71 hag. En 2012 l’empreinte écologique  de l’humanité atteignait 20,1 milliards d’hag, soit 2,8 hag par personne, alors que la bio-capacité  de la Terre n’était que de 12,2 milliards d’hag, ou 1,7 hag par personne, soit une surexploitation écologique de 65 %. Il faudrait donc 1,65 année pour régénérer les ressources consommées par l’homme en 2012 et absorber le CO2 produit.

L’impact des facteurs démographiques sur l’environnement serait de plusieurs natures :

a) La taille de la population

Il n’y a pas de relation simple entre la taille de la population et les modifications de l’environnement. Cependant, comme la population mondiale continue à s’accroître, la disponibilité limitée des ressources planétaires telles que les terres arables, l’eau potable, les forêts et les richesses de la mer, est devenue l’un des principaux sujets de préoccupation actuels. Dans la seconde moitié du 20ème siècle, la diminution des terres cultivées a entraîné une remise en question des capacités de la production alimentaire mondiale. En estimant qu’au cours du 21ème siècle le niveau de production reste constant, les besoins par habitant en terres cultivables destinées à la production alimentaire vont atteindre le seuil des terres arables disponibles. Parallèlement, le maintien de la croissance démographique intervient dans le contexte d’une demande de plus en plus pressante en eau : la consommation mondiale d’eau a été multipliée par six entre 1990 et 1995, un rythme d’accélération qui est deux fois supérieur à celui de la croissance démographique.

 

b) La répartition de la population

La façon dont la population est répartie sur la planète a également une influence sur l’environnement. Si l’on associe la constance du niveau de fécondité de nombreuses régions en développement aux taux de fécondité peu élevés des régions industrialisées, l’on constate que 80% de la population mondiale vit aujourd’hui dans les pays les moins développés. De surcroît, les migrations de population ont atteint leur niveau le plus haut, le flux net d’émigrants au niveau international étant environ de 2 à 4 millions par an en 1996. Les données recueillies cette même année montre que 125 millions de gens vivent en dehors de leur pays de naissance. Cette migration suit essentiellement un schéma rural-urbain, de ce fait, la population planétaire est également de plus en plus fortement urbanisée : en 1960, un tiers seulement de la population mondiale vivait dans les villes ; en 1999, la population urbaine représentait quasiment la moitié (47%) de la population mondiale. Et cette tendance devrait se maintenir à un rythme similaire au cours du 21ème siècle.

La répartition de la population sur la planète a trois effets majeurs sur l’environnement. Tout d’abord, comme les pays les moins développés font face à une forte croissance de leur population, les pressions s’intensifient sur les ressources, déjà limitées dans ces régions. Ensuite, les mouvements migratoires exercent des pressions relatives sur les environnements locaux, cette tendance se relâchant dans certaines zones et s’accroissant dans d’autres. Enfin, l’urbanisation, et particulièrement dans les pays les moins développés, dépasse fréquemment le rythme de développement des infrastructures et des réglementations sur l’environnement, ce qui entraîne dans la plupart des cas un degré de pollution élevé.

c) La composition de la population

La composition de la population peut également avoir des effets sur l’environnement. Ceci est dû au fait que différents sous-groupes de population peuvent avoir des comportements différents. Par exemple, la population mondiale est à la fois constituée du plus grand nombre de jeunes (24 ans et moins) et du plus grand nombre de gens âgés (60 ans et plus) de toute son histoire. Or les tendances migratoires varient en fonction de l’âge : les jeunes gens émigrent plus que leur aînés, parce qu’ils doivent quitter le foyer parental à la recherche de nouvelles opportunités. Etant donné que la nouvelle génération est relativement nombreuse, nous devrions donc prévoir l’augmentation des niveaux de migration et d’urbanisation, pour pouvoir ainsi anticiper les conséquences graves que cela peut représenter pour l’environnement.

D’autres aspects de la composition de la population sont également importants. Ainsi le niveau de revenu est particulièrement significatif des conditions environnementales. Dans les différents pays, le rapport entre le développement économique et la pression environnementale forme une courbe en forme de U renversé : les nations dont l’économie est moyennement développée sont plus enclin à exercer des pressions fortes sur le milieu naturel, essentiellement par une consommation excessive des ressources et par la production de déchets. En revanche, du fait de leur activité industrielle très limitée, les nations les moins développées exerceront probablement moins de pressions sur l’environnement. Puis à des degrés supérieurs de développement économique, les pressions sur l’environnement peuvent revenir en raison de l’amélioration des technologies et des moyens de production de l’énergie.

Toutefois, le rapport entre le niveau de revenu et la pression sur l’environnement est différent en fonction des pays et des foyers. Ces pressions exercées sur l’environnement peuvent être tout aussi importantes dans les pays où le niveau de revenu est bas que dans ceux où le niveau de revenu est élevé. La pauvreté peut entraîner des modes d’utilisation des ressources insoutenables pour pourvoir aux besoins de subsistance sur une durée limitée. De plus, dans les pays où le revenu par habitant est élevé, la consommation d’énergie élevée va de pair avec une production de déchets important.

 

 

 

 

 

 

 

V – ÉCONOMIE ET ÉCOLOGIE

Enfin, certains se posent la question des relations entre  croissance économique et dégradation de l’environnement. Là aussi les avis sont partagés.

Pendant longtemps, les économistes qui s’intéressaient à l’environnement s’étaient seulement interrogés sur la question de la finitude des ressources( épuisement des ressources naturelles tel que le pétrole ou le gaz mais aussi peut être les).. On est encore dans une perspective économique.de croissance.

Dans les années 1960 et 1970, la mobilisation des scientifiques pour alerter sur la situation environnementale est large : ils sonnent l’alerte, c’est le moment de l’invention de l’«environnement» tel que nous l’entendons aujourd’hui. Le rapport Meadows en 1972 par le MIT intitulé « halte à la croissance », présentait les résultats d’une simulation numérique de notre société modélisant les interactions entre l’agriculture, l’industrie, la démographie, les ressources, et la pollution. Il posait pour la première fois la question : est-ce que la décroissance est un remède efficace pour ne pas dégrader l’environnement?

Décroissance signifie diminution du PIB, donc diminution de la valeur produite. Celle-ci inclut les biens industriels, les biens agricoles et les services, auxquels il faut ajouter les investissements. Il faut bien reconnaître qu’une diminution de la production de biens matériels aurait comme effet mécanique une diminution de la consommation de ressources matérielles et de l’énergie nécessaire à leur production et leur transport.

Au milieu des années 80, se crée l’économie écologique qui intègre les coûts de pollution de l’air et l’eau. Elle s’intéresse de plus en plus à la question du climat. Le rapport Brundtland, rédigé en 1987, intitulé Notre avenir à tous, crée i le concept de développement durable de la société. «Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir»

Il s’agit ainsi de perpétuer la croissance  sans remettre en question la possibilité de vie digne des générations futures. L’économie écologique va ainsi plus loin : son approche se veut pluridisciplinaire et, au-delà du calcul du coût économique du changement climatique, elle insiste sur les mesures physiques des phénomènes et renouvelle l’analyse économique de la Nature.

Mais, au début des années 2000, le terme de «décroissance» a été remis au gout du jour quand on s’est rendu compte que le développement durable n’était pas suffisant pour résoudre la crise écologique : c’est un projet économique qui pose la question de l’état stationnaire de la croissance et de la taille optimale de l’économie, mais également un projet politique et de justice sociale. Le rapport Meadows, actualisé en 1972, aboutit lui aussi à des conclusions plus pessimistes que celui de 1972. Plus on produit, plus on pollue et plus on épuise les ressources naturelles. On publie le moment où la croissance mondiale a épuisé les ressources naturelles de l’année en cours. Ainsi depuis le 29 juillet 2019, la Terre a épuisé toutes ses ressources naturelles de l’année. Chaque année, le jour du « dépassement » recule, une date symbolique, mais qui en dit beaucoup sur notre surconsommation et les dangers auxquels la planète fait face.

Décroitre, c’est ainsi produire moins et accepter de consommer des biens plus durables, tel un ou deux réfrigérateurs dans une vie au lieu de 6 ou 7. C’est faire moins mais c’est aussi faire autrement. C’est implanter des circuits de distributions courts, donc relocaliser des activités de production déplacées avec la mondialisation.

La conjoncture historique n’est toutefois pas portée sur la question de la décroissance. En partie parce que, par rapport aux années 1970, l’Occident a beaucoup moins confiance en sa propre supériorité et est pris dans une course à la puissance qui fait que s’il revoit les priorités maintenant, il sera accusé de laisser d’autres puissances (Chine, Inde, Brésil,..) le rattraper.

 

Mais n’est-ce pas plus complexe ? Trier les déchets, construire et installer des éoliennes, développer et produire des matériaux recyclables, isoler sa maison, éviter l’huile de palme (et donc acheter des huiles plus chères), produire et acheter bio (plus cher), acheter local (dont la production est comptabilisée dans le PIB au contraire des importations), investir à optimiser les modes de transports, etc. sont des actions favorables à l’environnement qui pourtant participent à l’augmentation du PIB, et donc à la croissance. Sachant certes que  les citoyens ont naturellement tendance à favoriser les produits les plus accessibles en terme de prix et non pas les plus écologiques. À l’opposé, une réduction des services d’entretien, des infrastructures modernes, un frein à l’investissement peuvent avoir des effets néfastes sur le PIB.

En effet, la recherche et donc l’investissement sont une nécessité absolue pour permettre le développement d’une société respectueuse de son environnement. Les véhicules automatiques et partagés de demain permettront de réduire drastiquement leur nombre par habitant, de favoriser les transports en commun, de supprimer les embouteillages, de généraliser la mobilité électrique. Les réseaux informatiques ultra rapides (fibre, 5G, etc.) et les mondes virtuels permettront de limiter les déplacements à un minimum. Des aliments et des techniques de production respectueux de l’environnement peuvent être mises au point. Ces progrès nécessitent de lourds investissements comptabilisés dans le PIB. On aurait là un double effet d’augmentation du PIB : par l’investissement puis par l’augmentation de la valeur du service, et ceci en réduisant fortement l’impact écologique.

Ainsi, pour certains, une croissance forte et responsable, orientée vers les énergies non polluantes, vers une réduction de la consommation des ressources critiques, vers des services par exemple numériques plutôt que les biens, vers le ferroutage plutôt que le transport routier; vers le recyclage systématique, dans le respect des écosystèmes, et puisant ces moyens dans les progrès à venir pourrait permettre une transition rapide et socialement acceptable vers un monde plus respectueux, plus durable et donc plus juste et plus équitable. Il n’y aurait pas de décroissance.

 

 

 

 

 

VI – LES LIMITES DU PIB COMME MESURE DU BIEN-ÊTRE

La comptabilité nationale s‘est axée au début des années 80 sur des questions liées à la financiarisation, considérées comme prioritaires (endettement et déficit public, dépenses publiques, comptes financiers et de patrimoine,…).  Il semblerait qu’elle ne peut plus répondre seule aux multiples défis de notre temps. Plusieurs critiques sont apparues mises en exergue par le rapport Stiglitz-Zen-Fitousssi [5], [6].

La première critique ne porte pas tant sur le PIB que sur son interprétation. À cet égard, les comptables nationaux considèrent que le PIB n’est pas et ne doit pas être utilisé comme un indicateur de bien-être surtout quand le pays devient relativement riche. Mais malgré tout la croissance du premier est supposée associée en général à un progrès du second.

Que l’on soit ou non d’accord avec cela, les usages courants des comptes paraissent valides sans qu’il soit besoin de postuler une liaison étroite entre PIB et bien-être.

 

 

1/ Le PIB, est-il un indicateur fiable ?

  • On lui reproche notamment de ne pas prendre en compte toute l’activité économique et d’exclure le travail bénévole réalisé notamment au sein du secteur associatif et le travail domestique sans recours à des personnes tierces (ménage réalisé , bricolage, jardinage, garde d’enfants ou de personnes âgées,…); il exclut aussi le services quasi-gratuits sur internet;
  • en outre, il n’intègre pas les données sociales, environnementales ni le bien-être des individus. C’est notamment sur ce point qu’il a été le plus décrié puisque la mesure du bien-être de la population ne peut pas être uniquement appréhendée par une comptabilisation des richesses créées surtout lorsqu’il s’agit de mesurer la pauvreté ou encore les inégalités sociales;
  • les services publics sont valorisés approximativement puisque n’existant pas sur un marché. La valeur ajoutée retenue est le coût de production dont essentiellement les rémunérations de fonctionnaires et la CCF;
  • les services publics sont considérés comme consommés par les ménages (santé, éducation) ou par les administrations elles-mêmes (services régaliens) alors que d’autres agents en sont également utilisateurs. Ainsi, il n’est pas possible selon les règles de la comptabilité nationale d’identifier au niveau des consommations intermédiaires des entreprises, les services publics dont elles ont bénéficié ;
  • les frais de formation professionnelle ou de publicité sont considérés pour le calcul du PIB comme des dépenses courantes, donc viennent en déduction du chiffre d’affaires pour le calcul de la valeur ajoutée, au lieu d’être comptabilisés en investissement bien qu’intrinsèquement ils représentent un engagement vers l’avenir (voir page Investissement incorporel pays);
  • la distinction entre consommation et investissement n’est pas toujours aisée. Comment distinguer le petit et le gros entretien dans la construction ? Certains biens sont repris en tant qu’achats consommés bien qu’ils soient durables, comme c’est le cas des véhicules par exemple ;

 

 

 

2/ Le PIB mesure-t-il le bien-être ?

Le bien-être collectif repose sur moins d’inégalités, sur une production nationale « propre » vis-à-vis de l’environnement, sur une préoccupation plus forte de l’avenir au lieu de l’instant.

  • le PIB est une somme agrégée, donc ne rend pas compte des inégalités entre les agents ;
  • Le PIB représente un flux d’activités sur une période donnée. Autrement dit, on accorde ici plus d’importance à la création de richesses, le flux donc, qu’à la richesse elle-même. Le stock, donc le patrimoine, est relégué au second plan avec le PIB bien qu’il soit la somme des richesses produites par le passé et permet de s’engager vers l’avenir. Le flux en soi n’est qu’une transition, et pourtant avec le PIB son reflet importe plus que son origine.
  • La macroéconomie en l’état nous dit si l’on est plus ou moins riche aujourd’hui par rapport à hier, mais elle est silencieuse sur la qualité de cette richesse en termes de développement durable ; le PIB, centré sur la production et la consommation marchandes et monétaires, ne prendrait en compte que certaines activités, ignorerait les effets prédateurs du productivisme et de la dérégulation sur la vie sociale et sur l’environnement. Les préoccupations environnementales sont exclues du calcul du PIB. Pour évaluer la création de richesses, on tient compte de la capacité de l’homme à transformer la nature, avec la production, sans se soucier de l’épuisement des ressources naturelles, de la concentration de la richesse, des changements climatiques, etc,… au travers d’un amortissement comme c’est le cas pour le capital technique ;
  • Il compterait positivement des activités néfastes ou qui ne font que réparer des dégâts d’origine humaine. Il serait indifférent à la mise en cause des biens communs vitaux (eau, air, sol…) et à la violation des droits fondamentaux de milliards de personnes qui en résulte. Il aurait été incapable de nous alerter sur l’existence et l’aggravation des crises sociales, écologiques, économiques et financières. Il nous aurait aveuglés et rendus collectivement insensibles aux dérives de notre modèle de développement.

 

 

 

3/ Croissance économique et développement

Ainsi la croissance économique n’aurait pas résolu tous les problèmes de développement

Par rapport aux premiers pays qui se sont industrialisés, les nations en développement d’aujourd’hui connaissent un rythme de croissance plus soutenu, mais les indicateurs du bien-être y progressent bien plus lentement à taux de croissance économique équivalent. La croissance économique doit donc s’accompagner d’investissements et d’efforts politiques pour améliorer le bien-être dans ses différentes dimensions et garantir la durabilité [7].

Une vision plus globale du développement, tenant compte des conditions matérielles et de la qualité de vie, révèle ainsi une situation plus complexe. La pauvreté absolue poursuit par exemple son avancée dans certains pays, malgré la croissance économique. Les inégalités se creusent aussi dans certains pays. Le développement est, par nature, complexe et la combinaison du basculement de la richesse, de la convergence économique et du mouvement dynamique des facteurs du bien-être complique encore la donne en estompant la démarcation auparavant plus nette entre pays « développés » et pays « en développement ».

Les indicateurs du bien-être sont historiquement en corrélation étroite avec le PIB par habitant. Depuis la Révolution industrielle, les pays dont le PIB par habitant est plus élevé présentent ainsi de meilleurs résultats en termes de niveau d’éducation, de salaires réels, de taille moyenne, d’espérance de vie et d’institutions plus démocratiques.

La forte corrélation entre le bien-être et le PIB par habitant n’a toutefois pas toujours été de mise.  Durant les premières décennies du XIXe siècle, les pays dont le PIB par habitant était plus élevé n’affichaient pas nécessairement de meilleurs résultats sur le plan du bien-être. Puis, à compter de la fin de ce même siècle, la corrélation entre le PIB par habitant et les indicateurs du bien-être s’est renforcée, jusqu’à ce que le bien être commence même à progresser davantage que la croissance du PIB par habitant. Le facteur politique a bien sûr compté, notamment avec l’accès à des denrées alimentaires américaines moins coûteuses en Europe, l’essor des régimes démocratiques, les percées de la connaissance médicale et l’adoption de nouvelles mesures de politique sociale.

Dans le contexte actuel, la relation entre le PIB par habitant et le bien-être a de nouveau changé. Depuis les années 1950, les pays qui se sont développés plus tardivement et les économies émergentes se sont démarqués de ceux qui se sont développés plus tôt par le rythme de leur croissance économique et le phénomène de « rattrapage » ou de convergence du PIB par habitant. Tandis que les premiers pays qui se sont industrialisés enregistraient un taux de croissance de 1-1.5 % durant les périodes où les indicateurs du bien-être prenaient un essor considérable, les économies émergentes affichaient un taux de croissance supérieur à 5 %. Le Graphique suivant illustre les évolutions du bien-être non imputables au PIB par habitant afin d’analyser la relation entre ces deux variables. En général, une dissociation s’opère dans le temps entre les indicateurs du bien-être et le PIB par habitant, mais contrairement à la convergence de la croissance économique, les économies émergentes ne devancent pas les pays les plus riches du monde. En d’autres termes, rien ne semble indiquer l’existence d’un phénomène de « rattrapage ». Leur croissance rapide s’est traduite par des résultats différents selon les régions, et pas nécessairement par des améliorations du bien-être de la même ampleur que dans les premiers pays qui se sont industrialisés :

  • La tendance à long terme à l’amélioration du bien-être est assez nette en Amérique latine et en Asie. Depuis les années 1940 et 1950, la progression du bien-être a par exemple été globalement plus forte que celle du PIB par habitant pour certains indicateurs comme l’espérance de vie et le nombre d’années de scolarisation, mais pas pour tous. Les pays à faible revenu d’Amérique latine ont quant à eux rencontré des difficultés pour faire davantage de progrès sur le plan du bien-être, par rapport à la croissance de leur PIB par habitant.
  • En Afrique subsaharienne, les progrès réalisés sur le plan du bien-être depuis les années 1950 ont été relativement plus importants que la progression du PIB par habitant, mais se caractérisent aussi par un écart constant et parfois grandissant avec le reste du monde. L’Afrique pourrait, en comparaison des progrès réalisés dans le reste du monde, s’améliorer davantage sur le plan du bien-être par rapport à la croissance de son PIB par habitant.

Cette analyse révèle plusieurs différences frappantes entre le monde des premiers pays qui se sont industrialisés et celui que connaissent aujourd’hui les économies émergentes. Bien que plus lente, la croissance économique était de meilleure qualité pour les premiers pays qui se sont industrialisés qu’elle ne l’a été pour nombre de pays émergents ces dernières années. Dans les pays en développement, la qualité de la croissance économique a en effet été insuffisante et pas assez priorisée. En revanche, les pays en développement qui ont pris des mesures afin d’apporter une réponse adéquate aux questions de bien-être ont atteint des niveaux élevés dans ce domaine plus rapidement que les premiers pays qui se sont industrialisés (graphique suivant).

L’écart persistant entre les pays développés et ceux en développement en termes de productivité, de prévalence de l’extrême pauvreté et d’indicateurs du bien-être semble indiquer que la croissance économique n’a pas suffi pour résoudre tous les problèmes. Les stratégies de développement devraient adopter une vision plus large du développement, au lieu de se focaliser uniquement sur les objectifs de croissance économique.

Jusqu’aux années 1970, on a considéré la croissance du PIB comme une bonne variable indicative du développement plus global d’un pays.  Malgré l’élargissement de l’approche du développement, une hypothèse s’est maintenue au fil du temps : le développement commencerait par l’apport de capitaux financiers. Si le capital financier est envisagé comme point de départ, la croissance économique apparaît nécessaire, souvent suffisante, et devient l’objectif de chaque stratégie ; en découle alors l’idée que tous les pays suivraient une même trajectoire de développement, dont le mètre étalon serait le PIB par habitant.

L’expérience du développement est aujourd’hui tout à fait différente, les pays devant faire face à des défis jamais rencontrés auparavant. Ce nouveau contexte voit l’émergence de nouvelle règles, de nouvelles contraintes environnementales, de nouvelles technologies et d’une concurrence accrue. Les stratégies de développement doivent s’adapter à ces changements et refléter le contexte, la dotation et les institutions de chaque pays. Au lieu de suivre un modèle unique, les stratégies de développement doivent s’adapter à chaque contexte et respecter les principes de coopération internationale plus globale au service du partage des connaissances au lieu d’une vision dichotomique de la coopération internationale, opposant donneurs d’un côté et bénéficiaires de l’autre.

La complexité des défis actuels induirait ainsi une multiplicité de trajectoires de développement. Les modèles de développement se seraient considérablement élargis au fil du temps pour inclure de nombreux éléments nouveaux allant bien au-delà du simple objectif de croissance économique. Ils continuent toutefois de promouvoir une approche prévoyant une trajectoire unique de développement pour tous les pays, fondée sur l’idée que le développement commence avec le capital financier.

 

 

 

4/ Le PIB n’a pas encore été supplanté pour mesurer le bien-être monétaire

Disposer d’une information synthétique plus orientée bien-être que le PIB est toujours d’actualité. Pour avancer, il faut s’interroger sur les raisons qui peuvent expliquer une divergence entre l’évolution du PIB et le ressenti dans la vie courante. Si l’on se limite aux aspects monétaires du bien-être, il en existe trois.

L’idée du « PIB ressenti » est de s’appuyer sur la relation concave – établie sur les réponses aux enquêtes – entre bien-être ressenti et revenu, et d’appliquer cette relation à la distribution des revenus telle qu’elle peut être calculée avec les comptes par catégorie de ménage. Ayant transformé l’ensemble des revenus des ménages en bien-être, on peut en estimer la moyenne et la re-transformer en quantité monétaire en utilisant la relation entre revenu et bien-être dans le sens inverse. Cette opération conduit en fait à donner un poids plus important aux ménages les plus modestes que ne le fait le PIB par tête qui, par construction, donne à chaque ménage un poids proportionnel à son revenu. Ainsi, aux États-Unis, le PIB par tête a crû au cours des dernières décennies tandis que le PIB par tête ressenti a stagné du fait de la forte hausse des inégalités si tant est qu’elles soient bien mesurées (voir page Inégalités de revenus).

 

Évolutions du PIB, du revenu par habitant et du PIB ressenti aux États-Unis depuis 1950

 

Ainsi, aux États-Unis le bien-être monétaire stagne depuis presque un demi-siècle, alors que le PIB y a plus que triplé depuis les années 1970 (graphique précédent) Toutefois, dans le calcul du PIB la croissance moyenne des revenus est elle calculée avant ou après redistribution (voir page Inégalités de revenus). Cette approche du PIB ressenti est elle aussi pertinente que la notion d’inflation ressentie plus facile à comprendre (inflation ressentie par les ménages les plus modestes à partir de leurs coefficients budgétaires)?

 

 

 

VII – VERS UNE EXTENSION DES COMPTES NATIONAUX AU SOCIAL ET À L’ENVIRONNEMENT

Deux insatisfactions sont couramment exprimées à l’égard PIB [8]. D’une part, il fournit une information agrégée sur la croissance économique mais sans en préciser la répartition. D’autre part, il ne prendrait pas en compte les atteintes à l’environnement. On reviendra souvent sur ces deux limites.  On présente ici la démarche des « comptes nationaux augmentés » menée par l’Insee, qui s’inscrit dans une perspective d’élargissement du regard sur la performance économique, tout en se voulant directement articulée avec le cadre qu’offrent les comptes nationaux.

La révision en cours des comptes nationaux (Système de comptabilité nationale en 2025) ambitionne d’ailleurs d’élargir la perspective à d’autres dimensions du bien-être et de la soutenabilité,. Il est ainsi envisagé l’intégration d’un compte de ménages « par catégorie » (âges, niveaux de vie, etc.) pour enrichir les comptes nationaux d’une analyse de la redistribution des revenus entre ménages en cohérence avec les autres agrégats de comptabilité nationale, ou la prise en compte des coûts d’épuisement des ressources naturelles dans la mesure du produit intérieur net (PIN).

Il y aurait ainsi un développement des comptes nationaux vers ces aspects mais qui ne peut se faire que progressivement surtout dans le cas de l’environnement où les approches comptables séparées restent la meilleure solution pour certains : l’idée émise par A. Vanoli d’ajouter la Nature comme secteur institutionnel au cadre central ne peut se faire que progressivement du fait de la difficulté d’évaluer les coûts écologiques non payés (voir page Compte Environnement).

Deux options sont ainsi  possibles :

  • Faut il élargir le cadre central des comptes nationaux par des agrégats ou des  travaux ?
  • Faut-il développer  des comptes satellites autonomes (voir page Comptes satellites) ?

Faut-il ainsi mesurer la production domestique dans le cadre central ou faut-il le faire un compte satellite à part? Faut il calculer un »PIB vert » dans le cadre central en complément du PIB ? ou faut il faire séparément un compte de l’environnement ayant une certaine autonomie ? etc,… .

L’Insee semble choisir la première option : il amorce la démarche des « comptes nationaux élargis » pour compléter l’information fournie sur la croissance économique, d’une façon régulière et bien articulée avec le cadre de synthèse des comptes, en mettant l’accent sur deux dimensions: la distribution des revenus et la dégradation environnementale.

En parallèle l’Insee comme les INS des autres pays élaborent des indicateurs de développement durable (chapitres suivants).

 

 

1/ La question de la production domestique de services

Les arguments en faveur de la prise en compte par la comptabilité nationale de la production domestique de services sont nombreux et convaincants [7] :

  • la production domestique de biens est, elle, prise en compte ;
  • elle est déjà partiellement présente avec les loyers imputés, c’est-à-dire la valeur du service de logement que les propriétaires occupants de leur résidence principale se rendent à eux-mêmes ;
  • ignorer la production domestique de services peut biaiser les comparaisons internationales (c’est d’ailleurs une des justifications de la prise en compte des loyers imputés). Comme le souligne le rapport Stiglitz, un pays où la production des ménages pour eux-mêmes est importante peut avoir un PIB moins élevé qu’un autre, où davantage de biens et services passent par le marché, alors que les ménages ont la même consommation, si l’on prend en compte celle de leur propre production. Selon certains calculs avec la prise en compte de l’ensemble de la production domestique, le PIB/habitant de l’Italie passe de 56 à 79 % du PIB..
  • ignorer cette production peut conduire à surestimer la croissance du PIB, à mesure que les ménages recourent au marché pour des activités qu’ils réalisaient eux-mêmes ;

Mais en pratique la mesure de la valeur de ces activités soulève de nombreuses difficultés non résolues malgré les efforts qu’on y a consacrés depuis maintenant plusieurs décennies :

  • le périmètre précis des activités à considérer reste un sujet de débat.
  • différentes options de valorisation se présentent : au coût d’opportunité ou au salaire observé sur le marché pour une tâche équivalente;
  • en l’absence d’une information précise sur les caractéristiques de la tâche et du produit qui en résulte, leur valorisation est probablement assez biaisée.
  • la valeur estimée du travail domestique non seulement varie considérablement selon le périmètre et l’option de valorisation (dans un rapport de 1 à plus de 3), mais représente dans tous les cas une masse substantielle (jusqu’à 50 % du PIB.) Ce qui rend difficile de l’inclure dans le cadre central (et suggère plutôt de le traiter dans un compte satellite) ;
  • la source essentielle sur les activités domestiques sont les enquêtes Emploi du temps. Les résultats de la valorisation dépendent étroitement de l’information recueillie par ces enquêtes, et des modalités de son recueil. La méthode standard consiste à faire remplir à un échantillon d’enquêtés un carnet journalier au fur et à mesure de ses activités . La méthode, moins coûteuse et plus fruste, du questionnement rétrospectif, peut donner des résultats nettement différents dans leur niveau et leur distribution, avec une tendance à la sur-estimation du temps passé aux activités domestiques . Des méthodes plus élaborées, et plus coûteuses existent aussi, qui pourraient se développer dans le futur à la faveur de développements technologiques (interrogations par internet, capteurs chargés sur le téléphone mobile des enquêtés…). Elles aboutissent à des estimations encore différentes. D’autre part le degré de précision des informations collectées est crucial dans la caractérisation des activités domestiques.

Obtenir des estimations de la production domestique de services comparables entre pays ou dans le temps requiert donc une forte harmonisation des enquêtes utilisées pour la mesure.

De toute évidence, un important travail d’harmonisation du périmètre, de la valorisation, des méthodes de mesures reste donc à accomplir avant de pouvoir intégrer le travail domestique dans l’élaboration des comptes nationaux avec un statut du chiffre produit comparable à celui des agrégats du compte standard. L’option « compte satellite » semble ici préférable.

 

 

 

2/ L’élargissement des comptes nationaux vers les inégalités

Un axe important du Rapport Stiglitz-Zen-Fitoussi est le calcul des revenus, (de la consommation et du patrimoine) des ménages par quintile. À quoi bon se limiter à l’évolution du pouvoir d’achat d’un pays si les inégalités se renforcent ?

La mesure de la croissance agrégée ne dit rien de sa répartition. Cela se comprend bien: les comptes nationaux ont d’abord vocation à apprécier la situation macro-économique. Ils distinguent de grands agents selon leur fonction économique principale. On observera que ce faisant, ils informent utilement sur le partage de la valeur ajoutée entre entreprises et salariés, ou sur le poids du secteur public. Mais l’ensemble des ménages est représenté comme un tout. Par construction cela ne permet pas d’apprécier les inégalités ou différences de situation des ménages entre eux. Or ce n’est pas du tout indifférent: on ne portera pas le même regard sur la croissance selon qu’elle bénéficie principalement aux (multi)millionnaires ou se traduit par une élévation des revenus moyens et modestes.

À l’Insee, la démarche des comptes augmentés s’appuie sur de nombreux travaux existants, menés par l’institut ou par d’autres. Ainsi, la France a été pionnière sur les inégalités en établissant dès 2008 un premier prototype des comptes par catégorie de ménages. Ce type de décomposition caractérise les écarts de situation entre catégories de ménages en articulant les concepts de la comptabilité nationale (à vocation plutôt macroéconomique) et ceux de la statistique sociale (s’appuyant directement sur des données individuelles issues d’enquêtes ou administratives). Ce travail a été actualisé sous forme d’études ponctuelles), sans se traduire toutefois par une production annuelle de ces statistiques. Plus récemment, des travaux académiques ont distribué le revenu national net de l’ensemble de l’économie, comprenant donc aussi les revenus des autres secteurs institutionnels que les seuls ménages. Ce cadre permet d’examiner les étapes de la redistribution: prélèvements, transferts sociaux et bénéfices des services publics (éducation, santé, retraites, etc.), mettant en lumière, entre autres, le poids majeur des services publics dans la redistribution ( graphique suivant).

Solde des transferts publics selon les deux approches en 2018, par dixième de niveau de vie usuel

Source: Accardo et al., «Réduction des inégalités : la redistribution est deux fois plus ample en intégrant les services publics», in Insee Références – Revenus et patrimoine des ménages, 2021.

 

 

 

3/ L’élargissement des comptes nationaux vers les questions environnementales

Second point récurrent de fixation : le PIB ne tient pas compte des dégradations environnementales. Là aussi, on comprend bien la raison de cette situation du point de vue de la démarche comptable classique : celle-ci vise à constater la situation présente, sans se projeter dans le futur. La croissance peut donc être forte sans être soutenable, notamment dans sa relation avec l’environnement. Au demeurant, la comptabilité nationale s’appuie principalement sur les transactions monétaires observées : les atteintes à l’environnement n’y figurent donc logiquement pas, tandis que des dépenses de réparation y sont comptabilisées, par exemple les rémunérations des emplois chargés de réparer ces atteintes. En outre, les transactions qui sont enregistrées le sont généralement à un prix, celui de l’échange marchand, qui n’incorpore pas forcément les effets environnementaux entraînés par lesdites opérations. Ainsi, même si l’on peut construire des indicateurs de soutenabilité de la croissance à partir des comptes usuels, apprécier celle-ci en regard de la pression environnementale requiert d’aller au-delà des seules transactions monétaires observées.                                    

Sur le plan de l’environnement, de nombreuses statistiques sont élaborées par le service des données et études statistiques (SDES) du ministère en charge de l’environnement. Si l’on se centre sur la question de la transition bas carbone, l’une des plus urgentes, les données clés sont les émissions de gaz à effet de serre (GES), qu’elles soient relatives aux inventaires (émissions du territoire) ou à l’empreinte (émissions induites par la demande intérieure – graphique suivant). Or, la méthode de calcul de l’empreinte est très liée à celle des comptes nationaux, car elle mobilise des tables « entrées-sortie » nationales et internationales. Le SDES et l’Insee travaillent ensemble pour en améliorer le calcul et bien prendre en compte les chaînes de valeur mondiales intervenant dans la fabrication des produits.

Part en 2018 de l’UE à 27, des États-Unis et de la Chine dans l’empreinte carbone (en téqCO2), dans la population et dans le PIB (en euros 2017, en parité de pouvoir d’achat)

Source : Bourgeois et al., « Un tiers de l’empreinte carbone de l’Union européenne est dû à ses importations », Insee-Analyses n°74, 2022.

 

 

 

4/ Une panoplie d’agrégats complémentaires

L’enjeu de l’élargissement des comptes est aussi de construire et diffuser un ou des indicateurs synthétiques permettant de rendre compte des inégalités et de l’environnement. Cette démarche peut s’inscrire dans celle visant à construire des indicateurs reflétant le bien-être et la soutenabilité, notamment préconisée par l’ONU dans le cadre de la révision du SCN Des premiers travaux ont été effectués à l’Insee pour explorer les façons de construire de tels indicateurs s’appuyant sur les données des comptes nationaux et reflétant mieux le bien-être et la soutenabilité. Il en est ressorti une estimation du « PIB ressenti » et du prix social du carbone dans une perspective de soutenabilité (voir ci-dessus).

 

 

a) Un produit intérieur net « décarboné »

Pour la mesure du développement durable on peut discuter la pertinence d’une simple agrégation linéaire des variations des différents stocks de capitaux. Lue naïvement, cette agrégation revient à supposer que les différents types de ressources que nous transmettons aux générations futures sont parfaitement substituables les unes aux autres : l’indicateur restera bien orienté, par exemple, si nous laissons aux générations futures un environnement très dégradé, dès lors que nous leur léguons, en échange, des volumes importants de capital productif ou un niveau élevé de connaissances techniques. Cette assertion est contestable : à partir d’un certain point, il est probable qu’on ne peut plus compenser la dégradation des conditions naturelles par la simple accumulation de capital physique ou l’innovation.

Les problèmes que posent la mesure de la soutenabilité sont donc des problèmes complexes : il ne s’agit pas moins que de quantifier les perspectives d’ensemble d’un monde globalisé, dans lequel interagissent phénomènes économiques et phénomènes naturels. La commission n’a pas été en mesure de proposer la solution à la fois rigoureuse et simple aux problèmes que pose la mesure de la soutenabilité. Sans doute d’ailleurs n’y en a-t-il pas.

Ainsi des indicateurs macroéconomiques de synthèse tenant compte de la contrainte de soutenabilité climatique peuvent aussi être élaborés en apportant une correction aux indicateurs usuels de la comptabilité nationale. Si les travaux n’en sont pas au même point dans toutes les dimensions de la soutenabilité environnementale, on peut d’ores et déjà se concentrer sur les coûts entraînés par les émissions de gaz à effet de serre (GES). Deux notions sont souvent mises en avant à cet égard. D’une part une mesure de produit intérieur net qui serait une meilleure évaluation de la performance économique véritable que le produit intérieur brut (PIB), en y ôtant une mesure du dommage fait à l’environnement reflétant par exemple le nombre de tonnes de carbone émises du fait des activités économiques.

D’autre part une mesure de l’épargne ajustée qui, en comparaison de l’épargne usuelle, offrirait une meilleure indication sur la soutenabilité du modèle de développement suivi, en représentant le budget carbone alloué à la France comme une forme de capital à mettre en regard des autres actifs dans cette perspective. De tels indicateurs nécessitent d’expliciter un mode de valorisation des émissions de GES. Il faut estimer le coût qu’il faudrait payer pour respecter l’engagement de neutralité carbone en 2050 (voir page Compte Environnement)

Ces exemples montrent aussi que la construction d’indicateurs synthétiques complémentaires repose sur des considérations et des hypothèses qui se situent au-delà du champ ordinaire du comptable national. Ces indicateurs doivent donc être considérés pour le moment comme des statistiques expérimentales. Le programme des comptes nationaux augmentés a vocation à prolonger ces travaux.

Des indicateurs synthétiques complétant le PIB ne visent pas à se substituer à celui-ci. Ils n’ont pas non plus pour ambition de construire in fine un indicateur unique qui approximerait, à lui seul, l’ensemble des dimensions pertinentes du bien-être économique. Il s’agit bien d’élargir le regard, en offrant un croisement de plusieurs dimensions allant au-delà de la juxtaposition d’informations (le revenu moyen et les inégalités ; la croissance usuelle et les coûts non payés des émissions de GES ; etc.). Pour porter dans le débat public, de tels indicateurs doivent respecter plusieurs caractéristiques  : être clairement interprétables, apporter une information bien distincte du PIB, ne pas être trop nombreux et être diffusés régulièrement, de même que l’est le PIB.

Ces nouveaux indicateurs synthétiques expérimentaux pourront amener un regard neuf sur la mise en place de certaines politiques publiques, en intégrant des préoccupations qui n’étaient pas ou peu adressées par le PIB jusqu’à présent.

 

 

 

b) Indicateurs monétaires ou non-monétaires ?

Reprocher au PIB (et plus généralement à la comptabilité nationale) d’ignorer de nombreuses dimensions de l’existence qui ont pour les individus une valeur conduit à soulever trois questions :

(i) faut-il une mesure quantitative de ces valeurs ?

(ii) peut-on concevoir et déterminer de telles mesures ?

(iii) comment articuler cette information avec celle fournie par le PIB ?

Le comptable national a sans douteune inclination à répondre oui à la première, mais cette position ne va pas de soi. On doit par ailleurs rappeler que la théorie économique elle-même souligne « le caractère assez lâche du lien entre revenu global et bien-être social » ce qui peut relativiser l’utilité de quantifier ce qui ne l’est pas.

Si on opte néanmoins pour la mesure, les questions (ii) et (iii) peuvent être traitées de deux façons : soit en juxtaposant aux agrégats de la comptabilité nationale des tableaux d’indicateurs complémentaires, éventuellement résumés dans des indicateurs synthétiques, soit en calculant un équivalent monétaire des dimensions non monétaires directement commensurable au PIB et autres grandeurs comptables.

Par exemple, le concept de dette écologique s’appuie sur l’éthique environnementale, c’est-à-dire sur les responsabilités que l’homme a vis-à-vis de la nature. Les emprunts à la biodiversité, au sol et au sous-sol de la Terre induisent des dédommagements sur le long terme.

Mais il existe un dissensus autour de la méthodologie de calcul de la dette écologique.

  • Les économistes de l’environnement parlent d’« évaluation » et de « monétarisation » des actifs environnementaux:La dette écologique est la dette de l’économie envers la nature. Le stock de dette écologique résulte de l’accumulation au cours du temps de coûts écologiques non payés. Elle baisse si, de diverses manières, l’économie restaure des actifs naturels dégradés.
  • alors que les ONG se disent défavorables à l’idée d’estimation monétaire des biens de la nature. Elles considèrent que la valeur de l’environnement est difficile à établir. De nombreux paramètres seraient à prendre en compte dans le calcul monétaire de la dette écologique. Par exemple, les impacts environnementaux de certaines pratiques sont incertains, et peuvent être différents d’un lieu à un autre. Ou encore, le coût doit prendre en compte la relation éthique lorsque les peuples donnent à la nature dans laquelle ils vivent un caractère sacré.

 

 

 

VIII – LES INDICATEURS DE SYNTHÈSE OU DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

 

1/ Les premiers indicateurs de synthèse : la trilogie de l’OCDE (état -pression-réponse)

Un premier modèle de l’OCDE « état – pressions – réponses » reposait sur la notion de causalité (figure suivante) : les activités humaines exercent des pressions sur l’environnement et modifient la qualité et la quantité des ressources naturelles (« état« ). La société répond à ces changements en adoptant des mesures de politique de l’environnement (« réponses de la société« ).

– Les pressions sur l’environnement résultent des activités humaines. Il s’agit d’une part des émissions de polluants liées à la production ou à la consommation, de la production de déchets, et d’autre part des pressions résultant de l’utilisation des ressources naturelles et de l’espace. Les pressions s’apprécient en termes physiques, mais l’évaluation du coût des dommages infligés à l’environnement en est aussi une mesure.

– L’état que l’on veut décrire est celui des milieux physiques (pollution), de l’homme (santé) et des milieux naturels (ou écosystèmes, telles les forêts). En général, ces indicateurs sont jugés prioritaires. Il convient de noter qu’on mesure pour partie la qualité de l’air, de l’eau, du sous-sol par des indicateurs de santé (disparitions d’espèces).

– Les réponses à l’environnement sont les efforts des acteurs publics ou privés. Les indicateurs qui en rendent compte relèvent des dépenses des agents économiques.

Les pays s’efforcent de définir les priorités (choix des indicateurs) et de renforcer les réseaux techniques de surveillance en fonction des besoins des utilisateurs. L’information liée à l’environnement est présentée désormais en France par grands sous-thèmes : les milieux (eau, air, nature, occupation des sols…), la gestion des ressources et les déchets, les pressions et impacts des activités humaines sur l’environnement, les risques naturels et technologiques, l’économie de l’environnement (comptes, emplois, formations…), les opinions et pratiques, ainsi que les opérations internationales.

On note qu’il n’est pas toujours simple d’évaluer l’état de l’environnement. Ainsi, il apparaît complexe de définir un indicateur de la qualité de l’air. Cette difficulté est d’abord liée à une diversité de mesure possible selon le temps et l’espace : on définit ainsi des indicateurs aux niveaux local, régional, global qui évaluent des effets différents de pollution (pollution de proximité qui ont des effets sur la santé humaine, les végétaux et les matériaux; pollution de longue distance qui peuvent avoir des conséquences sur le dépérissement forestier; pollution planétaire tel l’effet de serre).

Une autre difficulté tient à la multiplicité des sources polluantes et des polluants eux-mêmes : ainsi les transports sont une source polluante parmi d’autres de l’oxyde d’azote mais parallèlement ils émettent d’autres catégories de polluants (poussières, CO2…). Il n’existe pas de polluants caractéristiques de tel type de source. Tout au plus, peut-on évaluer comme en France, la contribution de chaque source pour un polluant donné. Autre difficulté, certains polluants ont des effets dits secondaires, telle l’ozone qui est une pollution « secondaire » produite par dégradation de l’oxyde d’azote. Au total, il n’apparaît pas simple de corréler la qualité de l’air ambiant et les effets des polluants. De plus, comment corréler les émissions de polluants et leurs effets sur la santé de l’homme : en particulier, se mêlent d’autres facteurs, tel le tabagisme ou le climat. Dès lors, il est très difficile de fixer des normes de la qualité de l’air.

2/ Des indicateurs alternatifs pour mesurer le bien-être

Mais du fait de ces mutations sans précédent, certains économistes ont relancé le débat suite aux travaux de J.Stiglltz. En France, la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social a formulé différentes propositions [6]. Son but était d’identifier les limites du PIB comme indicateur de performance économique et de progrès social, d’examiner quel supplément d’information est nécessaire pour produire une image plus pertinente, de discuter quelle en serait la présentation la plus appropriée, et de vérifier la faisabilité des instruments de mesure proposés. Le travail de la Commission ne se limite pas à la France, ni aux pays développés. Le résultat des travaux de la Commission a été rendu public, pour que tous les pays ou groupes de pays intéressés puissent s’en inspirer.

La mise en place d’indicateurs sociaux et environnementaux doit être développée. En effet, la structure de calcul du PIB repose sur des déterminants quantitatifs. Le bien-être quant à lui est d’ordre qualitatif. Vouloir assembler les deux n’est pas une solution. Ne faut-il pas plutôt privilégier la mise en place d’indicateurs visant objectivement une mesure d’éléments qualitatifs et représentatifs du bien-être général ?

De nouveaux agrégats ont ainsi fait leur apparition ces dernières années pour corriger les imperfections du PIB, dont les plus importants sont les suivants :

  • L’Indice de Développement Humain (I.D.H.) qui synthétise, en plus du PIB, l’espérance de vie représentant l’amélioration des conditions de santé, et le niveau d’instruction reflétant la capacité d’une société à s’engager vers l’avenir ; L’I.D.H. a comme objectif d’essayer de mesurer le niveau de développement des pays, sans en rester simplement à leur poids économique mesuré par le Produit intérieur brut (P.I.B.) ou le P.I.B. par habitant. Il intègre donc des données plus qualitatives. L’I.D.H. se présente comme un nombre sans unité compris entre 0 et 1. Plus l’I.D.H. se rapproche de 1, plus le niveau de développement du pays est élevé. Le calcul de l’I.D.H. permet l’établissement d’un classement annuel des pays. Entre 2015 et 2018, l’IDH du monde a progressé, passant de 0,717 à 0,731. C’est un indicateur qui fait la synthèse (on l’appelle indicateur composite ou synthétique) de trois séries de données :
    • La santé / longévité (mesurées par l’espérance de vie à la naissance), qui permet de mesurer indirectement la satisfaction des besoins matériels essentiels tels que l’accès à une alimentation saine, à l’eau potable, à un logement décent, à une bonne hygiène et aux soins médicaux.
    • Le savoir ou niveau d’éducation. Il est mesuré par la durée moyenne de scolarisation pour les adultes de plus de 25 ans et la durée attendue de scolarisation pour les enfants d’âge scolaire. Il traduit la satisfaction des besoins immatériels tels que la capacité à participer aux prises de décision sur le lieu de travail ou dans la société.
    • Le niveau de vie (logarithme du revenu brut par habitant en parité de pouvoir d’achat), afin d’englober les éléments de la qualité de vie qui ne sont pas décrits par les deux premiers indices tels que la mobilité ou l’accès à la culture.
  • les canadiens calculent l’indice du progrès véritable (IPV). Cet indicateur tente de prendre en compte les activités économiques non monétaires, dont par exemple le bénévolat, le travail domestique, ainsi que l’effet de la perte des ressources naturelles et les dégâts liés aux inégalités sociales comme les maladies, les délits, le chômage, etc
  • l’épargne nette ajustée, qui exprime la variation du capital entre deux périodes de production, étant entendu que le capital n’est pas exclusivement financier, mais est également de nature sociale et naturelle. On évalue ainsi le coût de l’ensemble des ressources financières, naturelles, humaines, matérielles, employées pour produire. S’agissant du capital humain, il est évalué sur base des dépenses d’éducation ; pour le capital naturel, il s’agit de la baisse des stocks de ressources naturelles ; L’indice du patrimoine global, est ainsi « axée  sur la prospérité et le bien-être à long terme» Au Canada entre 1980 et 2015, le  taux de croissance annuel du PIB est de 1,6 %, alors que celui  du patrimoine global est de 0,25%.  Parmi les explications de cet écart, on trouve les changements climatiques causant une augmentation des événements météorologiques extrêmes, comme des inondations, qui créent une hausse des dépenses. Au travers du PIB, ces dépenses sont perçues comme positives, alors que dans le patrimoine global, il ne s’agit pas d’un impact positif. En outre, la hausse du PIB est propulsée par le secteur pétrolier non renouvelable qui n’est pas viable à long terme. En 2015, 25 % du capital produit était investi dans des actifs liés à l’extraction du pétrole et du gaz, par rapport à 9 % en 1980;
  • l’empreinte écologique, laquelle mesure l’impact sur le sol et dans les eaux de la consommation d’une population, eu égard la production nécessaire pour satisfaire l’ensemble des besoins. L’empreinte écologique tient compte également des déchets. Cet indicateur dit donc à combien s’élève la trace laissée sur notre planète du fait de la consommation. Si cette trace est supérieure aux bio-capacités, ceci signifie que les facultés régénératrices de la Terre sont altérées.

 

 

a) L’IDH

La composition et la méthodologie pour établir L’DH sont susceptibles d’être revues tous les ans. Ainsi, le premier indice tenait compte du niveau d’alphabétisation. D’autre part, la composante du niveau de vie était initialement représentée par le PIB par habitant. Cette composante a évolué au fil du temps, pour devenir le revenu brut par habitant en parité de pouvoir d’achat, et était plafonnée à 40 000 euros. Le concept du développement humain est toutefois plus large que ce qu’en décrit l’IDH. Ce n’en est qu’un indicateur, créé par le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) en 1990 pour évaluer ce qui n’était mesuré auparavant qu’avec imprécision.

Depuis 2011, l’IDH correspond à la moyenne géométrique des trois sous-indices relatifs à la longévité, l’éducation et le revenu :

où ces 3 facteurs sont respectivement les indices de longévité, de niveau d’éducation et de niveau de revenu.

Voici les 28 premiers pays dont l’IDH est le plus élevé. La France n’y apparaît pas étant en 28ème position. L’IDH est bien l’indicateur le plus approprié pour la mesure de la qualité de la vie surtout quand il est complété par l’IDHI qui prend en compte les inégalités (voir page PIB mondial).

En tenant compte de l’IDH, la hiérarchie mondiale se trouve modifiée par rapport au classement habituel selon le PIB par habitant mais pas tant que cà, le PIB (maintennant le RNB) par habitant rentrant dans le calcul de l’IDH. À noter que le classement de la France est notamment à peu près le même.

Les indices de développement humain en 2021

Sourcce : PNUD, Rapport sur le développement humain, 2021-2022

 

Carte des pays du monde par IDH, selon l’ONU (données 2019 du rapport 2020)

 

 

 

 

b) L’indice de développement humain ajusté selon les inégalités (IDHI)

Quatre autres indices ont été créés pour affiner la perception du niveau de développement :

  • l’indice de développement de genre (IDG), qui permet de comparer l’IDH des femmes et des hommes ;
  • l’indice d’inégalité de genre (IIG), qui se concentre sur l’autonomisation des femmes ;
  • l’IDH ajusté aux inégalités (IDHI) dont le calcul tient compte de l’étendue des inégalités ;
  • l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM), qui permet de mesurer différents aspects de la pauvreté à l’exclusion du revenu.

L’IDHI un indice statistique composite, créé par le PNUD en 2010 pour évaluer le niveau de développement humain des pays du monde en tenant compte des inégalités de santé, d’éducation et de revenu.

L’IDHI tient compte des inégalités dans chacune des trois dimensions calculées pour l’IDH (santé et longévité, éducation et savoir, niveau de vie et revenus) en modifiant la valeur moyenne de chacune de ces dimensions en fonction de son niveau d’inégalité. Le calcul de l’IDHI suit trois étapes:

La mesure de l’inégalité est basée sur une classe d’indices composites sensibles à la distribution, proposée par J. Foster, Lopez-Calva et M. Szekely en 2005 et qui s’inspire de la famille de mesures d’inégalité d’A. Atkinson en 1970. La mesure de l’inégalité d’une des trois dimensions, notée A x  est le complémentaire du rapport entre la moyenne géométrique et la moyenne arithmétique de la distribution de valeurs X i :

Les indices de dimensions ajustés selon les inégalités sont obtenus à partir des indices de dimension de l’IDH (I x) en les multipliant par 1 − A x :

Comme pour l’IDH, l’IDHI est la moyenne géométrique des indices des trois dimensions ajustés selon les inégalités :

L’IDHI étant basé sur l’indice d’Atkinson, il respecte la cohérence des sous-groupes ; ainsi, une variation de la distribution (inégalités) dans un certain groupe de personnes mène à une variation de la distribution de l’ensemble de la société. En revanche, le principal inconvénient de l’IDHI est la non prise en compte des inégalités qui se chevauchent. Pour cela, il faudrait que les données de chaque individu soient disponibles à partir d’une seule enquête, ce qui n’est actuellement pas possible pour un grand nombre de pays.

Carte des pays du monde par catégorie d’IDHI, selon l’ONU (données 2021 du rapport 2021/2022)

 

 

 

3/ Les dimensions non monétaires : la santé, la sécurité, le capital social, humain, etc.

Ainsi, il est indispensable d’accompagner les agrégats de la comptabilité nationale par d’autres indicateurs synthétiques. L’OCDE a proposé un indicateur « du vivre mieux » qui reprend différents critères du bien-être, autres que les seuls chiffres du PIB ou des statistiques économiques.

La question n’est pas tant de remplacer le PIB, mais que la politique économique ne soit pas quasi-exclusivement seulement pilotée en fonction du PIB et de son évolution afin d’éviter de se laisser aveugler par les bons résultats économiques à court terme. Comme pour le PIB en volume (voir page Mesure des volumes et des prix), il faut rester prudent quant à l’utilisation de nouveaux indicateurs. Aucun d’entre eux ne sera en mesure de capter l’ensemble des effets des activités économiques, sociales et environnementales  d’une population.

 

 

a)  Tableaux de bord et indicateurs synthétiques

La première approche se borne à identifier des indicateurs (en principe non monétaires), capables de décrire la situation des individus dans la dimension (santé, sécurité, démocratie, cohésion sociale…) considérée. Ils constituent une information complétant celles fournies par les grands agrégats comptables (PIB, RDB, consommation, épargne, etc.). Cette démarche s’est développée depuis les années 70.  Une démarche intuitive et des limites du PIB devenues un lieu commun expliquent la demande, toujours en croissance, des décideurs ou du public pour ces indicateurs. Une information économique et sociale toujours plus abondante et plus facile à traiter explique que l’offre a pu suivre. Il en a résulté une floraison d’initiatives constituant (à partir de statistiques préexistantes) des ensembles d’indicateurs censés pallier les insuffisances des grandeurs macroéconomiques traditionnelles (voir ci-dessous pour la France).

Les indicateurs sont pratiquement toujours sélectionnés dans le vaste ensemble des indicateurs publiés (ou au moins publiables) par les divers producteurs, publics ou privés, d’information économique et sociale. Divers auteurs ou organismes se sont certes efforcés de dégager des principes généraux de sélection d’un indicateur, mais ces principes sont avant tout pragmatiques et n’offrent pas de justification théorique aux indicateurs retenus. Ce  qui explique, au moins en partie, pourquoi les batteries d’indicateurs produites sont souvent très disparates .Une fois les indicateurs identifiés et collectés, la question de  leur articulation avec les agrégats comptables usuels est susceptible d’être résolue de deux façons. La solution la plus simple est de mettre l’information à disposition en l’état, sous forme d’un tableau de bord. On laisse à l’utilisateur le soin de considérer lui-même les différents messages sous ses yeux et d’en tirer les conclusions qu’il peut.

Au cours des années 80 et surtout 90, les tenants d’une approche par indicateurs ont volontiers nourri l’ambition de construire un indicateur capable de se substituer au PIB.  Estimant que c’est le fait d’être un chiffre unique (donc à la fois facilement mémorisable et permettant de classer les pays – voir ci-dessous) qui explique une large part la place du PIB dans le débat public, ils se sont efforcés de résumer des batteries d’indicateurs en un seul indice dit « synthétique » : ont ainsi été conçus par exemple l’Index of Social Health.

Pour permettre l’agrégation en un seul nombre de variables décrivant des phénomènes très hétérogènes , ces indices les projettent linéairement (le minimum observé de la variable sur 0, son maximum observé sur 100) puis en font la moyenne, simple (comme le HDI de l’Onu), ou pondérée. Le résumé produit est d’interprétation problématique et on recommande en général de ne pas s’en tenir à l’indice (ce qui revient à reconnaître qu’il n’est au fond qu’un simple artefact commode) mais de considérer l’information apportée par ses composantes .

La question de la pondération des composantes d’un indice synthétique étant sans solution (autre que conventionnelle), les concepteurs d’indicateurs alternatifs (aux agrégats de la comptabilité nationale) tendent actuellement à abandonner l’objectif d’un indice unique concurrent au PIB. Les initiatives récentes rappelées plus haut sont toutes soit du type Tableau de bord, soit permettent à l’utilisateur de choisir sa pondération préférée.

 

L’indice de progrès social (IPS) est probablement l’indice le plus évolué et le plus complet qui existe, en raison de la grande variété des indicateurs qui le constituent. L’IPS évalue le bien-être humain et le progrès social en fonction d’une multiplicité d’indicateurs qui mesurent d’une part, le degré de réalisation des besoins humains fondamentaux (nourriture, logement, sécurité des personnes, etc.) et d’autre part, les fondements du bien-être (accès à l’information et aux communications, santé, qualité de l’environnement, etc.); enfin, un troisième volet d’indicateurs évalue les opportunités de développement personnel et d’intégration dans une société donnée.

Le PIB par habitant n’est pas inclus dans le calcul de l’IPS, d’une part parce que la production matérielle en soi ne peut être assimilée à du bien-être et, d’autre part parce que cela permet des comparaisons intéressantes entre les performances des pays et des communautés en matière de progrès social tel qu’il est mesuré par l’IPS. Dans les premières phases du développement, la croissance du PIB par habitant est corrélée à celle du progrès social mais cette relation tend à s’affaiblir au fur et à mesure que les pays se développent et entre les pays détenant le PIB par habitant le plus élevé, la corrélation avec le progrès social est presque inexistante.

Le classement de l’IPS publié en juin 2016, est révélateur. Une fois de plus, les pays nordiques font partie des dix premiers du classement : la Finlande (1ère), le Danemark (2e), la Suède (6e), la Norvège (7e, mais 1ère en 2015) et l’Islande (10e), même si leur score en valeur absolue sont globalement très proches. L’IPS évalue chaque pays sur une échelle de 1 à 100 : la Finlande (1ère) atteint le score de 90,09, alors que l’Islande (10e) a un score de 88,45. Ces résultats plaident en faveur du modèle social nordique avec son État providence très développé, qui, au moins dans ces pays, contribue clairement au progrès social.

Mais les dix premières places du classement incluent également des pays qui ont adopté ces derniers temps une approche politico-économique très différente de celle des États providence nordiques. Le Canada (2e), l’Australie (4e) et le Royaume-Uni (9e), bien qu’affichant certains points communs avec les États providence nordiques (par exemple, le service britannique de santé publique) ont renoncé récemment, dans le cadre de politique publiques assumées, à une configuration qui s’appuie sur des taxes et des dépenses publiques élevées, qui caractérise les modèles du Nord. Les autres pays qui occupent les dix premières places du classement sont la Suisse (5e) et les Pays-Bas (8e). Etant donné la prédominance des Etats européens en tête du classement de l’IPS, il n’est guère étonnant que tant de migrants ont l’Europe en vue dès lors qu’ils se mettent en quête d’une vie meilleure.

L’un des points communs marquant des dix premiers États du classement est qu’il s’agit principalement de petits pays ; et, alors que l’Australie et le Canada sont constitués d’immenses territoires, leur densité de population est faible.

Si l’on regarde du côté des grandes puissances et des États les plus importants, cette impression se renforce.Par exemple les États-Unis sont classés 8e en matière de PIB par habitant mais seulement 19e en termes d’IPS, avec une note de 84,62. La Russie est 75e dans l’IPS (résultat absolu de 64,19), alors qu’elle occupe le 39e rang dans le classement du PIB par habitant, la Chine est 84e dans l’IPS (score absolu de 62,1), alors qu’elle est 64e en matière de PIB par habitant, l’Inde est 98e (score absolu de 53,92), alors qu’elle est 91e en termes de PIB par habitant. Le Brésil échappe cependant à cette tendance en étant le 46e de l’IPS (score absolu de 71,7) alors qu’il est en 56e position en matière de PIB par habitant. Cette performance atteinte par le Brésil dans l’IPS est observable dans de nombreux pays d’Amérique du Sud. Ainsi le Costa Rica, le Chili, le Pérou et l’Uruguay obtiennent de biens meilleurs résultats dans le classement de l’IPS par rapport à celui du PIB par habitant. Cela confirme les résultats d’autres indices psychologiques mesurant le bonheur et qui placent régulièrement les Sud-Américains au rang des peuples les plus heureux de la planète.

Le fait le plus marquant de ces résultats 2016 est le degré de cohérence avec les résultats des années précédentes (2014 et 2015), pour chacun des 133 pays évalués. Cela suggère que la conceptualisation et la construction de l’indice en 53 indicateurs font de l’IPS un indice fiable et précis.

Les gouvernements, les entreprises et d’autres acteurs publiques peuvent avoir confiance en cet indice et l’utiliser en pratique. De plus, en utilisant une telle variété de sources, l’indice est difficile à manipuler par des acteurs politiques. Mais si un pays obtient un bon score et un bon classement dans l’IPS par rapport à son niveau de développement ou, mieux encore, s’il progresse de façon significative dans le classement, cela deviendra la preuve d’un véritable progrès social.

Le PIB a hélas le grand mérite d’être pratique car il ramène à une seule unité de compte – le prix auquel s’échangent les biens et services – toutes sortes de grandeurs disparates. Mais il ne reflète pas la réalité complexe de notre monde dont la transition écologique et solidaire est désormais une question de survie. La question de la monétarisation des indicateurs se pose aussi.

 

 

b) Monétarisation

Monétariser les dimensions non monétaires constitue l’alternative aux tableaux  d’indicateurs et indicateurs synthétiques. L’étape d’agrégation au PIB est cette fois immédiate (ou presque) et c’est évidemment  la première phase, où il s’agit de donner un prix à des choses dont on dit volontiers  qu’elles n’ont pas de prix, qui constitue le point délicat de cette solution.  Pour valoriser un bien non monétaire, deux méthodes sont utilisées :

(i) les préférences déclarées : la méthode repose sur l’interrogation directe d’un échantillon d’individus (en principe représentatif de la population). Le questionnement  peut prendre des formes plus ou moins élaborées. Les individus peuvent se voir administrer la simple question : « à combien évaluez-vous le bien ? ». Ils peuvent aussi être soumis à des protocoles d’interrogation complexes, mettant en jeu des plans d’expérience et des questionnements détaillés sur des choix binaires ou des
classements des biens ou de scénarios, et conçus pour permettre l’estimation de modèles formels de choix ;

(ii) les préférences révélées : elle se fonde non sur des déclarations mais sur des  comportements observés. On distingue deux grandes techniques. La première est celle  des coûts implicites : la dépense de transports consentie par les visiteurs d’un parc naturel est l’exemple le plus usuellement cité. Ce coût de transport constitue en lui- même une borne inférieure de la valeur que le public attribue à cet bien  environnemental. Injecté dans des modèles d’utilité aléatoire il peut permettre (au prix,  il est vrai, d’assez nombreuses hypothèses supplémentaires) une estimation de la valeur  elle-même. La seconde est celle des prix hédoniques : elle utilise comme input les  variations observées du prix de marché d’un bien en fonction de ses caractéristiques.

Les différentes méthodes sont d’usage courant depuis de nombreuses années dans le domaine de l’analyse coûts-bénéfices pour le choix d’investissements publics.  La comptabilité nationale emploie régulièrement la seconde méthode : par exemple dans la valorisation des services fournis par les administrations publiques à leur coût de  production, qui relève de la technique des coûts implicites ; le recours aux méthodes  hédoniques est courant pour la valorisation du service de logement que produisent les  ménages propriétaires de leur résidence principale ou pour la détermination d’indice  de prix (véhicules, ordinateurs, électro-ménager…) à qualité constante.

 

4/ L’Insee établit des nouveaux indicateurs synthétiques de richesse
À la suite de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi de 2009 préconisant d’enrichir la comptabilité nationale, notamment le PIB, pour mesurer le bien-être, la croissance inclusive et le développement durable, une liste de 10 indicateurs-phares a été définie. Ces indicateurs concernent la sphère économique (taux d’emploi, effort de recherche, endettement), la sphère sociale (inégalités de revenus, pauvreté, espérance de vie, sorties précoces du système scolaire), mais aussi les dimensions psychologique (satisfaction de la vie) et environnementale (empreinte carbone et artificialisation des sols).
Le choix de ces indicateurs s’est fait dans un souci de simplicité, de lisibilité et de pérennité. Ces indicateurs font partie des indicateurs retenus pour suivre la mise en œuvre et l’atteinte des objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 de l’ONU, que ce soit au niveau français (Indicateur pour le suivi national des objectifs de développement durable), européen (Indicateurs de la stratégie européenne) ou mondial (Indicateurs mondiaux).
L’Insee en fait annuellement la synthèse, dans le cadre d’un tableau de bord qui précise les définitions et enjeux de chacun des indicateurs, décrit leur méthodologie, décrit leur mise à jour annuelle et commente des évolutions récentes. On présente ici certains indicateurs, pas ceux sur la dette (voir page Reprise économique fragile).

Indicateurs de richesse : comparaisons européennes

Source: Eurostat avec les données disponibles sur le site web d’Eurostat en juin 2023

 

 

 

 

 

a) Le taux d’emploi

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 8.5 de l’ODD 8 qui vise, « d’ici à 2030, à parvenir au plein emploi productif et à garantir à toutes les femmes et à tous les hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapées, un travail décent et un salaire égal pour un travail de valeur égale ».

Le taux d’emploi, mesuré comme le rapport entre le nombre d’individus ayant un emploi et le nombre total d’individus, révèle à la fois la capacité des structures productives à mobiliser la main-d’œuvre potentielle et la capacité de l’économie à favoriser l’inclusion sociale des personnes par l’emploi. Les évolutions du taux d’emploi sont liées, notamment, à celles de la démographie (vieillissement de la population, allongement des études pour les jeunes) et à la conjoncture économique.

En 2022, 68,1 % des 15-64 ans sont en emploi. En 2022, l’écart entre le taux d’emploi des femmes (65,6 %) et des hommes (70,8 %) est de 5,2 points. Le taux d’emploi en France des 15-64 ans (68,1 %) est inférieur à la moyenne européenne (69,8 %). Dans l’ensemble de l’UE en 2022, le taux d’emploi des hommes (74,7 %) est supérieur de 9,8 points à celui des femmes (65,0 %), soit un écart supérieur à celui observé en France (5,6 points).

b) L’effort de recherche

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 9.5 de l’ODD 9 qui « vise à renforcer la recherche scientifique, perfectionner les capacités technologiques des secteurs industriels de tous les pays, en particulier des pays en développement, notamment en encourageant l’innovation et en augmentant nettement le nombre de personnes travaillant dans le secteur de la recherche/développement pour 1 million d’habitants et en accroissant les dépenses publiques et privées consacrées à la recherche/développement d’ici à 2030 ».

En 2020, l’effort de recherche s’élève à 2,30%. En 2021, l’effort de recherche en France (2,21 %) resterait inférieur à l’objectif de 3 % fixé par l’Union européenne pour 2020, mais demeurerait supérieur à celui observé pour l’ensemble des pays de l’Union européenne à 27 (2,15 %). Mais le ratio de l’UE tend à rattraper celui de la France.

 

 

c) L’espérance de vie sans incapacité

Cet indicateur s’inscrit dans l’ODD 3 qui vise à « permettre à tous de vivre en bonne santé et à promouvoir le bien-être de tous à tout âge ». L’espérance de vie sans incapacité, aussi appelée espérance de vie en bonne santé, évalue, à la naissance, le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne, compte tenu des conditions sanitaires du moment.

En 2021, l’espérance de vie sans incapacité à la naissance atteint 65,6 ans pour les hommes et 67,0 ans pour les femmes. En 2021, la France se situe au-dessus de la moyenne européenne en matière d’espérance de vie à la naissance (77,5 ans pour les hommes et 83,2 ans pour les femmes en Europe) et d’espérance de vie sans incapacité (63,5 ans pour les hommes et 64,5 ans pour les femmes en Europe).

 

d) Satisfaction dans la vie

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 3.4 de l’ODD 3 qui vise, « d’ici à 2030, à réduire d’un tiers, par la prévention et le traitement, le taux de mortalité prématurée due à des maladies non transmissibles et à promouvoir la santé mentale et le bien-être ». Le bien-être n’est pas uniquement matériel. Il englobe les relations sociales, la participation à la vie publique, la sécurité, la confiance dans les autres et dans les institutions, etc. Or ces dimensions de l’existence peuvent être affectées par le mode de développement économique. Un indicateur subjectif de bien-être est nécessaire pour vérifier si le ressenti des Français est en phase avec les indicateurs « objectifs ».

En France de 2010 à 2020, les personnes affichent en moyenne un niveau de satisfaction dans la vie oscillant entre 7,1 et 7,5 sur 10. En 2021, la crise sanitaire liée à la Covid-19 est très présente. Les changements de mode de vie et l’anxiété liée à la pandémie ont entraîné une chute de la satisfaction générale dans la vie sans précédent : son niveau moyen s’établit à 6,8 en 2021. En France de 2010 à 2020, les personnes affichent en moyenne un niveau de satisfaction dans la vie oscillant entre 7,1 et 7,5 sur 10. En 2021, la crise sanitaire liée à la Covid-19 est très présente. Les changements de mode de vie et l’anxiété liée à la pandémie ont entraîné une chute de la satisfaction générale dans la vie sans précédent : son niveau moyen s’établit à 6,8 en 2021.

 

e) Inégalités de revenus

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 10.4 de l’ODD 10 qui vise à « adopter des politiques, notamment sur les plans budgétaire, salarial et dans le domaine de la protection sociale, afin de parvenir progressivement à une plus grande égalité ».

En 2019, les 20 % des individus les plus pauvres détiennent 8,7 % de la masse totale des niveaux de vie par unité de consommation. À l’opposé, les 20 % des individus les plus aisés détiennent 37,9 % de la masse totale des niveaux de vie. Ainsi les 20 % des individus les plus aisés ont un niveau de vie 4,4 fois plus élevé que le niveau de vie des 20 % des individus les plus pauvres.

La France a une dispersion des niveaux de vie un peu plus faible que la moyenne européenne : En 2019, le rapport inter-quintile des masses de niveaux de vie est de 4,4 en France, contre 4,9 dans l’Union européenne. Avec des ratios inférieurs ou égaux à 3,4, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque sont les trois pays où le ratio est le plus faible. À l’inverse, la Bulgarie (8) et la Roumanie (6,6) se distinguent par un niveau d’inégalités très fort.

 

f) Pauvreté et conditions de vie

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 1.2 de l’ODD 1 qui vise, « d’ici à 2030, à réduire de moitié au moins la proportion d’hommes, de femmes et d’enfants de tous âges souffrant d’une forme ou l’autre de pauvreté, telle que définie par chaque pays ». Mais il y a une panoplie de finition; et donc d’indicateurs, de la pauvreté (voir page Inégalités de revenus).

En 2021, sur la population des 16 ans ou plus, le taux de privation matérielle et sociale de la France est légèrement inférieur à celui de la moyenne européenne (respectivement 11,1 % et 11,6 %) mais est supérieur à la moyenne de la zone Euro qui
s’établit à 10,8 %. Les pays de la zone Euro présentent de fortes disparités, par exemple entre l’Allemagne (8,3 %), l’Italie ou l’Espagne (respectivement 11,0 % et 14,9 %). La Grèce est un cas particulier avec un taux de privation matérielle et sociale qui atteint 28,6 %.

g)  Sorties précoces du système scolaire

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 4.4 de l’ODD 4 qui vise, « d’ici à 2030, à augmenter nettement le nombre de jeunes et d’adultes disposant des compétences, notamment techniques et professionnelles, nécessaires à l’emploi, à l’obtention d’un travail décent et à l’entrepreneuriat ».

L’indicateur de « sorties précoces » mesure la proportion de jeunes de 18-24 ans qui n’étudient plus et n’ont pas terminé avec succès l’enseignement secondaire supérieur et qui n’ont pas suivi de formation (formelle ou non) au cours des quatre dernières
semaines.

En 2022, en France, 7,6 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans ont quitté leurs études initiales sans diplôme ou avec seulement le diplôme national du brevet et ne sont pas en situation de formation. Pour l’ensemble de l’Union européenne (UE 27), le taux de sortants précoces est de 9,6 % en 2022 après 9,7 % en 2021 et 12,6 % en 2012, avec des écarts importants entre pays : en 2022, il y a ainsi 13 points d’écarts entre la Croatie et la Roumanie, qui ont respectivement le taux de sortants précoces le plus faible et le plus élevé de l’Union. Comme en France, ce taux est plus élevé pour les hommes (11,1 %) que pour les femmes (8,0 %).

 

h) L’empreinte carbone

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 13.2 de l’ODD 13 qui vise à « incorporer des mesures relatives aux changements climatiques.

Dans une économie mondialisée, il est nécessaire de tenir compte des émissions liées à l’ensemble des biens et des services consommés, y compris lorsque ces biens et services ont été produits à l’extérieur du territoire national. L’empreinte carbone calcule des quantités de gaz à effet de serre (GES) induites par la demande finale intérieure du pays (consommation des ménages, administrations publiques, organismes à but non lucratifs, investissement), que ces biens ou services soient produits sur le territoire national ou importés. En tenant compte du contenu en GES des importations, l’empreinte carbone permet d’apprécier les pressions globales sur le climat de la demande intérieure française quelle que soit l’origine géographique des produits consommés.

L’empreinte carbone de la France est constituée pour moitié d’émissions associées aux importations (51 % en 2021). Entre 1995 et 2021, l’empreinte carbone de la France s’est réduite de 9%. Les émissions intérieures ont diminué (- 27 % entre 1995 et 2021) tandis que les émissions associées aux importations se sont accrues (+ 20% entre 1995 et 2021). En 2021, l’empreinte carbone par personne est estimée à 8,9 t CO2 eq, contre 8,3 tonnes en 2020. Entre 1995 et 2005, l’empreinte carbone par personne s’est maintenue à un niveau d’environ 11 t CO2 eq, avant d’amorcer une décroissance (premier graphique suivant).

L’OCDE calcule une empreinte carbone en s’appuyant sur un périmètre de GES plus restreint que celui de l’indicateur français (CO2 énergétique uniquement). Pour l’année 2018, l’empreinte carbone de la France (6,8 t CO2 / hab) est inférieure à la moyenne européenne (7,8 t CO2 / hab) mais supérieure à la moyenne mondiale (4,4 t CO2 / hab) (second graphique suivant).

 

 

h) L’artificialisation des sols

Cet indicateur s’inscrit dans la cible 11.3 de l’ODD 11 qui vise, d’ici à 2030, à « renforcer l’urbanisation durable pour tous et les capacités de planification et de gestion participatives, intégrées et durables des établissements humains dans tous les pays ».

L’artificialisation du territoire a des conséquences sur l’environnement. Elle engendre une perte de ressources en sol pour l’usage agricole et pour les espaces naturels. En imperméabilisant certains sols, elle peut accélérer le ruissellement des eaux pluviales, accroître la vulnérabilité aux inondations et dégrader la qualité chimique et écologique des eaux. La destruction et la fragmentation des espaces naturels constituent également une menace pour la biodiversité.

Selon l’enquête Teruti, les sols artificialisés occupent 8,0 % du territoire français en 2020 et 9,1 % du territoire métropolitain. La surface des sols artificialisés augmente sur longue période (+ 1,4 % par an en moyenne en France métropolitaine depuis  1982), essentiellement au détriment des terres agricoles (- 0,2 % en moyenne par an depuis 1982).

Au niveau européen, le périmètre de l’artificialisation est plus restrictif que celui retenu en France qui inclut également les espaces verts artificiels (espaces verts urbains, équipements sportifs et de loisirs) et d’autres sols artificialisés, comme les mines, les carrières, les décharges, les chantiers, les terrains vagues. Les niveaux d’artificialisation pour la France sont de ce fait plus faibles en comparaison internationale que ceux retenus au niveau national. Ainsi, l’artificialisation des sols, mesurée par Eurostat s’établit à 5,6 % en France, un niveau légèrement supérieur à la moyenne européenne (à 4,4 %).

 

 

 

 

 

IX – LES INDICATEURS COMPLETS ET DÉTAILLÉS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN FRANCE ET EN EUROPE

Le développement durable est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », citation de Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien (1987). En 1992, le Sommet de la Terre à Rio, tenu sous l’égide des Nations unies, officialise la notion de développement durable et celle des trois piliers (économie/écologie/social) : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.

Il faudra s’habituer à ne pas définir et suivre un indicateur unique comme le PIB mais une panoplie d’indicateurs de développement durable (voir page Crises économiques et comptabilité nationale). Ne faudrait-il pas désormais accompagner la comptabilité nationale (sans abandonner le PIB comme le proposent certains, considérant que sa croissance explique à elle seule la dégradation écologique) d’une panoplie d’approches qui vont des indicateurs de développement durable (qualité des soins de santé, de l’éducation,…) aux données sur l’état de l’environnement (épuisement des ressources naturelles, pollution), et aux données démographiques (taille de la population, mais aussi sa répartition et sa composition) ?

L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a ainsi adopté 17 objectifs de développement durable (ODD), déclinés en 169 cibles pour la période 2015-2030. Ces objectifs et cibles constituent pour les États une feuille de route commune de la transition vers un développement durable.

Trois buts essentiels sont poursuivis : lutter contre les inégalités, l’exclusion et les injustices ; faire face au défi climatique ; mettre fin à l’extrême pauvreté.

Au cœur de l’Agenda ONU 2030, 17 Objectifs de développement durable (ODD) ont été fixés. Ils couvrent l’intégralité des enjeux de développement dans tous les pays tels que le climat, la biodiversité, l’énergie, l’eau, la pauvreté, l’égalité des genres, la prospérité économique ou encore la paix, l’agriculture, l’éducation, etc.

Les 17 ODD à atteindre d’ici 2030 sont tous interconnectés et s’appuient sur les piliers du développement durable. Les objectifs définis par l’agenda ONU 2030 ont pour finalité d’éradiquer la pauvreté dans le monde, de protéger la planète et de garantir la prospérité pour toutes les populations.

 

Les 17 Objectifs de développement durable (ODD)

 

 

 

1/ Les indicateurs de développement durables en France

À l’issue d’une concertation menée sous l’égide du Conseil national de l’Information statistique (Cnis) a été proposé mi-2018 un tableau de bord de 98 indicateurs qui constituent le cadre national pour le suivi des progrès de la France dans l’atteinte des 17 ODD. C’est ce tableau de bord qui est publié ici [9]. Ses données sont actualisées annuellement.

En parallèle, la France poursuit sa participation au rapportage international des 231 indicateurs mondiaux auprès des agences onusiennes.

 

a) Objectif n° 1 – Éradication de la pauvreté

L’objectif 1 vise à mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde. Les indicateurs nationaux retenus pour le suivi de l’objectif 1 permettent de mesurer plusieurs dimensions de la pauvreté en France, même si les indicateurs monétaires restent prépondérants. Cette sélection peut être complétée par de nombreux indicateurs relatifs aux inégalités et relevant d’autres objectifs.

Objectif n° 1 – Éradication de la pauvreté en France (quelques indicateurs)

 

 

 

b) Objectif n° 2 – Sécurité alimentaire et agriculture durable

L’objectif 2 vise à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable. Les indicateurs nationaux retenus pour le suivi de l’objectif 2 privilégient différents enjeux liés à la consommation (alimentation saine et variée) et à la production agricole durable (durabilité des secteurs animal et végétal).

Objectif n° 2 – Sécurité alimentaire et agriculture durable en France (quelques indicateurs)

 

 

 

c) Objectif n° 3 –  Santé et bien-être

L’objectif 3 vise à permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge. Les indicateurs nationaux retenus pour le suivi de l’objectif 3 cherchent à rendre compte de la promotion de la santé, incluant la prévention, dans tous les milieux et tout au long de la vie.

Objectif n° 3 – Santé et bien-être en France (quelques indicateurs)

 

 

 

2/ Les indicateurs de développement durables dans l’UE

Le développement durable n’est pas seulement un principe fondamental pour l’Union européenne, mais aussi une priorité politique primordiale pour la Commission von der Leyen, ce qui se reflète dans les six grandes ambitions pour l’Europe annoncées dans les orientations politiques (schéma suivant). Chaque commissaire est chargé de veiller à ce que les politiques sous sa supervision reflètent les objectifs de développement durable, tandis que le collège des commissaires est conjointement responsable de la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Le président a défini une « approche pan-gouvernementale » pour la mise en œuvre des ODD [10].

Les priorités de la Commission européenne

Eurostat présente un aperçu statistique de la situation et des progrès des États membres de l’UE vers les 17 ODD, sur la base de l’ensemble d’indicateurs ODD de l’UE. Le statut de chaque ODD dans un État membre est une agrégation de tous les indicateurs d’un objectif spécifique par rapport aux autres États membres et à la moyenne de l’UE. Le score de progrès de l’État membre est basé sur les taux de croissance annuels moyens de tous les indicateurs évalués dans l’ODD au cours des cinq dernières années. La même approche d’agrégation des tendances des indicateurs individuels dans un indice synthétisé par ODD est utilisée dans l’article de synthèse pour l’UE .

Une telle présentation synthétique permet une vue d’ensemble simple et rapide et facilite la communication. Cependant, appliquée à des États membres individuels, elle comporte le risque de simplification et peut masquer des détails sur les phénomènes sous-jacents. De plus, il faut garder à l’esprit que le statut d’un pays dépend dans une certaine mesure de ses conditions naturelles et de son évolution historique.

a) Comment le statut et les progrès sont-ils évalués ?

Le statut d’un ODD spécifique est un score agrégé englobant tous les indicateurs de cet objectif, basé sur les données les plus récentes (se référant principalement à 2021 et 2022)  . Pour chaque indicateur, le score de statut d’un pays est calculé par rapport à la plage de valeurs allant du pays le moins performant au pays le plus performant, les valeurs aberrantes étant exclues. Le calcul du score d’état est basé sur une normalisation min-max. Pour chaque pays, les scores de statut au niveau de l’indicateur sont agrégés au niveau des ODD à l’aide de la moyenne arithmétique, et ce score au niveau de l’objectif est ensuite mis en relation avec le score de statut agrégé de l’UE pour le même objectif, pour montrer combien (en %) le statut ODD d’un pays est supérieur ou inférieur à la moyenne de l’UE.

Le progrès est un score global des taux de croissance à court terme (cinq ans) pour tous les indicateurs évalués pour chaque objectif. La méthodologie utilise une fonction de notation et est identique au calcul des progrès au niveau de l’UE Le calcul du score de progression ne prend en compte aucune valeur cible, étant donné que la plupart des objectifs politiques de l’UE ne sont valables que pour l’agrégat Niveau UE. Les données se réfèrent principalement aux périodes 2016-2021 ou 2017-2022. En raison de problèmes de disponibilité des données, les calculs des scores de progrès de certains pays sont basés sur des périodes plus courtes ou plus longues. L’évaluation des progrès pour les ODD 1 et 10 est entravée par un changement méthodologique dans l’enquête EU-SILC de l’Allemagne en 2020. En outre, les scores de progression de certains pays ont été ajustés manuellement, par exemple lorsqu’un pays a déjà atteint la valeur maximale possible (par exemple 100 % des jeunes enfants fréquentant l’éducation de la petite enfance) et a maintenu ce niveau au cours des cinq dernières années. Dans de tels cas, les pays se voient attribuer le meilleur score possible (+5) au lieu du score calculé pour aucun changement (0).

Dans l’ensemble, le score de statut d’un pays est une mesure relative, indiquant sa position par rapport aux autres États membres et à la moyenne de l’UE. Un statut élevé ne signifie donc pas qu’un pays est sur le point d’atteindre un ODD spécifique, mais qu’il a atteint un statut plus élevé que de nombreux autres États membres. D’autre part, le score de progrès d’un pays est une mesure absolue basée sur les tendances des indicateurs au cours des cinq dernières années, et son calcul n’est pas influencé par les progrès réalisés par les autres États membres.

 

b) Comment interpréter les graphiques ?

L’axe vertical montre le statut des ODD dans le pays représenté dans la répartition des États membres et par rapport à la moyenne de l’UE. Les ODD dans la partie supérieure du graphique ont un statut supérieur à la moyenne de l’UE, et pour les ODD de la partie inférieure, le statut est inférieur à la moyenne de l’UE. Le côté droit du graphique affiche les ODD où le pays a fait des progrès tandis que le côté gauche indique les mouvements qui s’éloignent des ODD. Il en résulte quatre « quadrants » qui peuvent être caractérisés comme suit :

I. Le pays progresse vers ces ODD et, en moyenne, les valeurs des indicateurs sont supérieures à la moyenne de l’UE.
II. Le pays progresse vers ces ODD, mais en moyenne, les valeurs des indicateurs sont inférieures à la moyenne de l’UE.
III. Le pays s’éloigne de ces ODD, mais en moyenne, les valeurs des indicateurs sont supérieures à la moyenne de l’UE.
IV. Le pays s’éloigne de ces ODD et, en moyenne, les valeurs des indicateurs sont inférieures à la moyenne de l’UE.

3/ Présentation de la situation et des progrès des États membres

La France

L’Espagne

L’Allemagne

L’Italie

 

 

 

X – LA QUALITÉ DE LA VIE

Il y a deux façons de mesurer les aspects qualitatifs des conditions de vie. L’une consiste à rassembler divers indicateurs objectifs essayant d’en capter les différentes dimensions. L’autre consiste à mesurer directement la qualité de vie ressentie par les agents : c’est l’approche par les indicateurs subjectifs. Ces approches sont complémentaires plutôt que concurrentes . Peu d’indicateurs sont encore aujourd’hui disponibles pour un panel de pays et sur une période de temps un peu étendue avec une comparabilité suffisante.

 

 

1/ Les deux approches combinées

Aujourd’hui on dispose pour de nombreux pays de données d’enquêtes régulières sur le bien-être ressenti, alimentant les abondants travaux d’une « économie du bonheur » montée en puissance dans le champ académique aux cours des années 2000 et à laquelle décideurs, médias et grand public s’intéressent volontiers. Plusieurs INS se sont intéressés à ce type d’indicateurs ; l’Insee depuis 2011 et l’ONS britannique depuis 2015 produisent annuellement une mesure de la satisfaction dans la vie. L’indicateur français figure d’ailleurs dans le tableau que la loi sur les nouveaux indicateurs de richesse (ou « loi Sas »), votée en avril 2015, fait obligation au gouvernement de publier chaque année.

Que peut-on dire alors de la France et de ses voisins proches de l’Union européenne? La France s’est positionnée à la 18e place mondiale avec un score absolu de 84,79, ce qui lui permet de devancer les États-Unis d’une place dans l’IPS. Toutes ces vacances que prennent les Français, et qui suscitent le mépris des hommes d’affaires américains, pourraient s’avérer payantes en matière de progrès social ! La France a progressé de trois places dans le classement par rapport à l’année 2015 mais, vu le score absolu élevé qu’elle a obtenu et le fait que celui-ci soit quasiment équivalent à celui d’un grand nombre d’états européens, ces résultats sont davantage la preuve d’une stabilité qui perdure en termes de progrès social que la marque d’une évolution notoire. Ainsi, le Royaume-Uni (encore membre de l’UE lors du calcul de l’indice) est placé au 9e rang avec un score total de 88,58, l’Allemagne est 15e avec un score de 86,42 et l’Italie 24e avec une note de 82,49. Par conséquent, la France, tout comme un grand nombre d’économies d’Europe de l’Ouest, est caractérisée par un niveau élevé stable et soutenu de progrès social.

Selon une étude de l’OCDE, la France affiche un bilan mitigé au regard de ses résultats moyens dans les différentes dimensions du bien-être [9]. Alors que le revenu disponible ajusté net des ménages s’établit juste au-dessus de la moyenne de l’OCDE, la France présente plusieurs points faibles dans la dimension « Emplois et salaires » : ainsi, à 65 %, le taux d’emploi est inférieur de 2 points de pourcentage à la moyenne de l’OCDE, et le taux de chômage de longue durée est plus de deux fois supérieur à la moyenne de l’OCDE. Néanmoins, l’équilibre vie professionnelle-vie privée est relativement bon en France : 8 % des salariés ont une durée de travail très longue, soit une proportion inférieure à la moyenne de l’OCDE, proche de 13 %, et le temps de loisir dont les Français qui travaillent à plein temps déclarent disposer (temps consacré aux loisirs et aux occupations personnelles) est, en moyenne, supérieur à celui dont disposent leurs homologues dans tous les autres pays de l’OCDE. En 2015, l’espérance de vie moyenne à la naissance s’établissait à 82 ans, ce qui plaçait la France dans le peloton de tête de la zone OCDE. Mais elle se situait juste en deçà de la moyenne de l’OCDE s’agissant de l’état de santé auto déclaré. Si la France affiche un taux de participation électorale (de l’ordre de 75 % en 2017) supérieur à la moyenne de l’OCDE, en 2012, 10 % seulement des adultes français indiquaient avoir le sentiment qu’ils avaient leur mot à dire concernant l’action des pouvoirs publics, soit le pourcentage le plus faible de la zone OCDE.

Ce graphique met en évidence les domaines qui constituent en matière de bien-être les forces ou les faiblesses de la France par rapport aux autres pays de l’OCDE. Tant pour les indicateurs positifs que négatifs (comme les homicides, signalés par un astérisque « * »), une barre plus longue indique toujours un meilleur résultat (autrement dit, un niveau de bien-être plus élevé), tandis qu’une barre plus courte correspond toujours à un résultat plus mauvais (autrement dit, à un niveau de bien-être moins élevé).

Le tableau suivant indique l’évolution du niveau moyen de bien-être en France entre 2005 et 2015. Pour chaque indicateur de chaque dimension, le signe  ⁄  indique une amélioration, le signe ≈ , peu ou pas de changement, et le signe ∇ une dégradation. Ces signes caractérisent l’évolution observée entre l’année initiale (2005 dans la plupart des cas) et la dernière année connue (généralement 2015 ou 2016). L’ordre des flèches dans la troisième colonne correspond à l’ordre des indicateurs mentionnés dans la deuxième colonne.

En France, les inégalités verticales sont proches de la moyenne de l’OCDE pour la plupart des dimensions du bien-être, notamment pour le revenu et le patrimoine, la santé et la satisfaction à l’égard de la vie. S’agissant des salaires, l’écart entre les parties inférieures et supérieures de la distribution est plus modeste que dans la majorité des autres pays de l’OCDE, tandis que les inégalités observées sont plus fortes en matière de durée de travail très longue et de compétences cognitives des élèves de 15 ans.

Par rapport aux autres pays de l’OCDE, la France affiche des résultats mitigés en termes d’inégalités entre hommes et femmes. Ainsi, l’écart de taux d’emploi (positif en faveur des hommes) est plus faible que dans la zone OCDE en moyenne, mais le risque de percevoir une faible rémunération est presque deux fois plus élevé pour les femmes que pour les hommes en France – ce qui représente un écart plus important que dans de nombreux autres pays de l’OCDE. En outre, les filles obtiennent des résultats légèrement inférieurs à ceux des garçons aux tests de compétences cognitives réalisés à l’âge de 15 ans, mais l’écart de compétences des adultes entre hommes et femmes est inférieur à la moyenne de l’OCDE.

Lorsqu’on examine le bien-être des jeunes et des personnes d’âge moyen en France, on constate que les premiers sont fortement désavantagés en termes de patrimoine des ménages, d’emploi, de chômage et de sentiment de sécurité par rapport à la situation observée dans les autres pays de l’OCDE. Néanmoins, la situation des jeunes est légèrement meilleure en termes d’équilibre vie professionnelle-vie privée, de compétences et de temps consacré à la vie sociale.

Généralement, les personnes ayant fait des études supérieures tendent à obtenir de meilleurs résultats que celles qui ont uniquement un niveau d’études secondaire dans différents domaines du bien-être. En France, ces écarts liés au niveau d’études sont inférieurs à la moyenne en matière de salaires et de taux de participation électorale – et les individus caractérisés par un niveau d’études supérieur sont plus susceptibles d’avoir une durée de travail très longue en France. Néanmoins, les écarts constatés sont relativement importants pour ce qui est du sentiment d’avoir son mot à dire concernant l’action publique, des compétences, de la qualité de l’eau, du sentiment de sécurité et de la satisfaction à l’égard de la vie.

Bien que les niveaux de pauvreté monétaire, de pauvreté patrimoniale et de risque de faible rémunération soient inférieurs à la moyenne de l’OCDE, près de la moitié des indicateurs mettent en évidence des niveaux élevés de privation en France. On peut citer à cet égard le taux de chômage (9.8 %), les proportions d’élèves et d’adultes ayant un faible niveau de compétences (14.8 % et 18.1 % respectivement), la proportion de personnes qui estiment qu’elles n’ont pas leur mot à dire concernant l’action publique (67.4 %) et la proportion d’individus insatisfaits de leur existence (7.6 %).

Les Français sont globalement moins satisfaits de la façon dont la démocratie fonctionne dans leur pays que les citoyens des pays européens de l’OCDE, en moyenne. Si les Français sont raisonnablement satisfaits du caractère libre et équitable des élections (7.4 sur une échelle de 0 à 10), ils le sont moins s’agissant des mesures destinées à réduire les inégalités (4.4) ou de l’existence de mécanismes de participation directe au niveau local (4.5). Par ailleurs, la satisfaction à l’égard des services publics varie selon que les personnes ont eu recours ou non à ces services au cours de l’année écoulée. En France, la satisfaction à l’égard des services de santé, comme à l’égard des services d’éducation, est légèrement supérieure à la moyenne des pays européens de l’OCDE, sachant que les personnes ayant eu une expérience directe de l’utilisation de ces services récemment sont plus susceptibles d’être satisfaites que les autres.

A quoi attache-t-on le plus d’importance en France ? L’Indicateur du vivre mieux est un outil en ligne interactif qui permet aux utilisateurs de comparer le bien-être entre pays dans la zone OCDE et au-delà à partir des indicateurs du bien-être utilisés dans le rapport Comment va la vie ?. Les utilisateurs choisissent l’importance qu’ils accordent à chacune des onze dimensions ci-dessous et peuvent ensuite prendre connaissance des résultats de chaque pays s’agissant de leurs propres priorités.

Depuis son lancement, en mai 2011, l’Indicateur du vivre mieux a attiré plus de dix millions de visiteurs de presque tous les pays du monde et sa page a été consultée plus de 22 millions de fois. En France, plus de 595 000 internautes ont visité le site à ce jour, ce qui place le pays en 3e position en termes de trafic sur le site. Les villes qui arrivent en tête sont Paris (32 % des visites), Lyon, Toulouse, Nantes et Rennes.

Les résultats ci-après ont été établis à partir des notes partagées volontairement avec l’OCDE par 13 400 habitants de la France qui ont utilisé le site. Ils n’ont qu’une valeur indicative et ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population. La santé, la satisfaction à l’égard de la vie et l’éducation sont les trois aspects les plus importants pour les Français qui ont utilisé l’Indicateur du vivre mieux.

 

 

 

 

2/ L’approche subjective

Elle est fondée sur les réponses que fournissent les individus lorsqu’on leur demande par exemple s’ils sont heureux ou satisfaits de la vie qu’ils mènent. Elle a l’avantage de fournir des statistiques simples : proportion d’individus se déclarant très heureux ou très satisfaits. De plus, puisque les données proviennent d’enquêtes auprès d’individus, elles se prêtent directement à des analyses en termes de répartition.

Quel est le message que donnent ces données subjectives quand on les compare aux indicateurs de revenu monétaires présentés dans la partie précédente ? Un résultat ancien mais bien connu est ce qu’on qualifie de paradoxe d’Easterlin (1974). Ce dernier avait relevé une absence de corrélation entre croissance du PIB par tête et évolution de la satisfaction subjective aux États-Unis sur les décennies de l’après guerre : la croissance économique s’était accompagnée d’une quasi-stabilité du bien-être subjectif.

Comment faut-il lire ce type de résultat ? On peut le lire de deux manières. D’un côté, avoir des indicateurs qui donnent un message différent de celui qui est fourni par le PIB par tête est intéressant en soi : c’est même, en un sens, ce que l’on cherche à obtenir.Mais, de l’autre côté, certaines des explications données à ce paradoxe suggèrent qu’il y aurait des limites fondamentales à l’approche subjective. On pourrait notamment expliquer ce paradoxe d’Easterlin par l’évolution parallèle des conditions de vie et des aspirations. Lorsque les aspirations s’adaptent très rapidement aux évolutions de la richesse, il est normal que la satisfaction subjective ne présente aucune tendance temporelle nette. Si tel était le cas, les indicateurs subjectifs n’auraient qu’un intérêt limité.Quels que soient les efforts pour améliorer les conditions de vie, y compris dans des pays très pauvres, ces indicateurs enverraient en effet un message de stagnation peu utile au décideur.

L’intérêt pour ces indicateurs est renforcé par le fait que des progrès ont été faits pour mesurer ces indicateurs de façon plus fiable. La pertinence individuelle des réponses à ces questions est confirmée par recoupement avec d’autres informations . De nouvelles méthodes permettent notamment de garantir une meilleure comparabilité des réponses entre individus. De plus en plus d’enquêtes ont par exemple recours à la méthode des « vignettes » : on décrit à l’enquêté plusieurs situations parmi lesquelles on lui demande de choisir celle dont il se sent le plus proche afin de pouvoir corriger ses réponses en neutralisant le caractère optimiste/pessimiste de l’individu. Ceci permet de corriger le fait que les échelles proposées pour répondre (de 0 à 10 par exemple) ne sont pas utilisées de la même façon par les personnes interrogées.

Un intérêt additionnel des indicateurs subjectifs est qu’ils ne se limitent évidemment pas à des mesures de satisfaction globale. Ils permettent aussi de mesurer la satisfaction que procurent, par exemple, le travail ou l’état de santé. Ils peuvent donc aider à sélectionner et à hiérarchiser les variables objectives de la qualité de vie, voire aider à mieux les pondérer dans le cas où on choisirait de les agréger sous forme d’indicateurs synthétiques. Par exemple, un résultat assez stable des enquêtes subjectives réside dans le poids important que les individus accordent au risque de chômage, poids qui va bien au-delà de son incidence sur le revenu monétaire. C’est sur la base de telles considérations que peut être établie une liste d’indicateurs objectifs de niveau de vie centrée sur les dimensions qui sont réellement fondamentales pour les citoyens.

Il reste que les indicateurs subjectifs ne correspondent pas toujours à la réalité. Mais ils sont utiles Prenons le cas de l’insécurité physique. Les perceptions individuelles des taux de criminalité ne correspondent pas toujours à la prévalence réelle des infractions ; c’est l’une des raisons pour lesquelles les indicateurs subjectifs peuvent être utiles en complément des indicateurs objectifs. Dans l’ensemble de l’UE, en 2020, environ une personne sur dix (10,7 %) estimait qu’il y avait eu un crime, de la violence ou du vandalisme dans la région où elle vivait (voir figure 8). Cette part était la plus élevée en Bulgarie, où près d’un cinquième (19,1 %) de la population avait ce sentiment, suivi de 18,1 % en Grèce et de 17,7 % en France. Dans 16 États membres, cette part était inférieure à 10,0 %, les taux les plus bas étant enregistrés en Croatie (2,4 %), en Lituanie (3,3 %), en Slovaquie (4,3 %) et en Pologne (4,4 %). Des exemples de différences entre les indicateurs objectifs et subjectifs incluent la Lettonie et la Lituanie, qui figuraient en tête de liste pour les homicides enregistrés, mais dans le quart inférieur en ce qui concerne le niveau de violence perçu. En Grèce, par exemple, c’est l’inverse : alors que les homicides enregistrés étaient faibles, une part élevée de la population percevait que le crime et la violence se produisaient à proximité.

 

 

 

a) Un premier exemple : la criminalité dans l’UE

Entre 2010 et 2020, il y a eu généralement une baisse de la part de la population qui percevait la criminalité, la violence ou le vandalisme se produisait dans la région où elle vivait. Dans l’ensemble de l’UE, cette proportion est passée de 13,1 % en 2010 à 10,7 % en 2020. La plus forte réduction de cette part a été observée en Lettonie (de 23,8 % à 5,3 %), en Estonie (de 18,0 % à 5,5 %), en Tchéquie (de 15,4 % à 6,1 %) et Bulgarie (27,7 % à 19,1 %). En revanche, le pourcentage de la population qui perçoit la criminalité, la violence ou le vandalisme dans la région où elle vit a légèrement augmenté dans six États membres, la Suède enregistrant la plus forte augmentation (de 10,4 % à 13,8 %).

Part de la population qui a perçu qu’il y avait de la criminalité, de la violence ou du vandalisme dans la zone où elle vit, 2010 et 2020

 

Le graphique suivant présente la perception déclarée de la criminalité, de la violence et du vandalisme selon la situation de revenu. Alors que 13,7 % de la population de l’UE qui vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2020 estimaient qu’il y avait de la criminalité, de la violence ou du vandalisme dans la région où ils vivaient, cette proportion était légèrement inférieure parmi la population vivant au-dessus du seuil de pauvreté (10,2 %). La différence est particulièrement marquée en France avec des proportions respectives de 27,0 % et 16,2 %. La part des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté était supérieure d’au moins 50 % à celle des personnes vivant au-dessus du seuil de pauvreté en Finlande, en Slovaquie, en Hongrie, au Portugal, en France et en Belgique. En Finlande, la part des personnes en dessous du seuil de pauvreté percevant la criminalité dans leur région était plus du double de la part des personnes au-dessus du seuil de pauvreté.

Ce schéma s’est répété dans la majorité des États membres de l’UE, mais pas dans tous. Dans quatre États membres, les personnes vivant au-dessus (plutôt qu’en dessous) du seuil de pauvreté ont perçu un niveau plus élevé de criminalité, de violence ou de vandalisme dans leur région : Chypre, la Croatie, la Pologne et la Grèce.

Part de la population qui perçoit qu’il y a de la criminalité, de la violence ou du vandalisme dans la zone où elle vit, par situation de revenu, 2020 (%)

 

Il y avait également des différences notables dans la perception de la criminalité en fonction du degré d’urbanisation, comme le montre le graphique suivant. En 2020, la perception parmi la population de l’UE que ces questions étaient pertinentes pour la région où elle vivait était considérablement plus élevée pour les personnes vivant dans les villes. (16,3 %) qu’il ne l’était pour les habitants des villes et banlieues (8,4 %) ou des zones rurales (5,8 %).

En ce qui concerne les villes, en 2020, la proportion de la population percevant qu’il y avait de la criminalité, de la violence ou du vandalisme dans le quartier où elle habitait était la plus élevée en Grèce (28,8 %), en France (27,0 %) et en Bulgarie (26,6 %). La part des personnes vivant dans les villes grecques qui percevaient de tels problèmes était 1,8 fois plus élevée que la moyenne de l’UE (16,3 %). À l’autre extrémité de la fourchette, certains des niveaux les plus faibles de criminalité perçue – pour les trois degrés d’urbanisation – ont été enregistrés en Croatie et en Lituanie.

Dans presque tous les États membres, la perception la plus élevée de criminalité, de violence ou de vandalisme a été enregistrée parmi les personnes vivant dans les villes. Plus d’un quart des citadins en Grèce, en France et en Bulgarie ont signalé de tels problèmes de sécurité. La part la plus faible de crimes, de violence ou de vandalisme perçus a généralement été enregistrée chez les personnes vivant dans les zones rurales. Ce schéma s’est répété dans la plupart des États membres, à l’exception de la Belgique, de la Roumanie et de la Hongrie, pour lesquelles le taux le plus bas a été enregistré pour les villes et les banlieues.

Les différences les plus notables entre les villes et les zones rurales ont été observées en Allemagne, où la part des citadins percevant qu’il y avait de la criminalité, de la violence ou du vandalisme dans leur quartier était 9,5 fois plus élevée que celle des personnes vivant dans les zones rurales. En Pologne, en Autriche et en Grèce, la proportion de personnes percevant des problèmes de sécurité parmi les citadins était au moins 4,6 fois supérieure à celle des personnes vivant dans les zones rurales. Cependant, en Hongrie et à Chypre, la part des citadins qui percevaient de tels problèmes était inférieure à celle enregistrée parmi les personnes vivant dans les zones rurales.

Part de la population qui perçoit la criminalité, la violence ou le vandalisme dans la zone où elle vit, par degré d’urbanisation, 2020 (%)

 

 

 

 

b) Un second exemple : Plus de deux personnes sur cinq éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts

Un indicateur important pour analyser la situation financière des ménages est l’indicateur « capacité à joindre les deux bouts » qui montre si un ménage dispose de ressources financières suffisantes pour joindre les deux bouts, qui décrit subjectivement la situation financière globale du ménage (revenus, patrimoine, dépenses et variations du pouvoir d’achat dues à l’inflation). Au troisième trimestre 2022, la part de la population qui pouvait joindre les deux bouts assez facilement, facilement ou très facilement variait de 24,1 % en Bulgarie à 69,4 % en Finlande. Dans la plupart des pays pour lesquels des données sont disponibles, la part a diminué par rapport au trimestre précédent, une augmentation n’a été observée qu’en Slovénie, en Bulgarie et en Italie.

Capacité à joindre les deux bouts « assez facilement, facilement ou très facilement », Q4 2021, Q1 2022, Q2 2022 et Q3 2022 (% de la population spécifiée)

Cependant, la part de la population qui a pu joindre les deux bouts très difficilement, difficilement ou assez difficilement a augmenté au fil des trimestres. Au troisième trimestre 2022, la part variait entre 30,7 % (en Finlande) et 75,9 % (en Bulgarie). Par ailleurs, plus de deux personnes sur cinq ont de grandes difficultés, difficultés ou quelques difficultés à joindre les deux bouts en Bulgarie, Slovaquie, Italie, Irlande, Slovénie, France, Belgique et Autriche.

 

Capacité à joindre les deux bouts « avec beaucoup de difficulté, avec difficulté ou avec quelques difficultés », Q4 2021, Q1 2022, Q2 2022 et Q3 2022 (% de la population spécifiée)

 

 

 

 

3/ Les indicateurs objectifs

Les indicateurs de qualité de vie mettent en évidence un panorama international contrasté. S’agissant des indicateurs de qualité de vie, la première dimension correspond aux conditions de vie matérielles (revenu, consommation, richesse) qui sont mesurables à l’aide des indicateurs de la comptabilité nationale pour le niveau agrégé. Les sept autresdu Rapport Stiglitz-Zen-Fitoussi concernent la santé, l’éducation, les activités personnelles (dont le travail), la participation à la vie politique et la gouvernance, les liens et rapports sociaux, les conditions environnementales, et enfin l’insécurité tant physique qu’économique.

Quels indicateurs privilégier pour éclairer les diverses facettes de la qualité de la vie, dans un contexte où la comparabilité des données reste assez variable ? On s’en tiendra ici , par nécessité, à quelques aperçus de ce qui est disponible pour les pays de notre panel.

 

 

a) Espérance de vie à la naissance et années de vie en bonne santé

Prenons le cas de la santé (voir aussi page Comptes satellites). L’indicateur le plus couramment utilisé pour analyser la mortalité est l’espérance de vie à la naissance, c’est-à-dire le nombre moyen d’années qu’une personne peut espérer vivre à la naissance si elle est soumise aux conditions de mortalité actuelles tout au long de sa vie. C’est une manière simple mais puissante d’illustrer l’évolution de la mortalité.

L’espérance de vie à la naissance dans l’UE était estimée à 80,4 ans en 2020 (0,9 an de moins qu’en 2019), atteignant 83,2 ans pour les femmes (0,8 de moins qu’en 2019) et 77,5 ans pour les hommes (1 an de moins qu’en 2019).

Globalement, entre 2002 (la première année pour laquelle les données sur l’espérance de vie sont devenues disponibles pour tous les États membres de l’UE) et 2020, l’espérance de vie à la naissance dans l’UE a augmenté de 2,8 ans, passant de 77,6 à 80,4 ans ; l’augmentation était de 2,4 ans pour les femmes et de 3,2 ans pour les hommes.

Espérance de vie à la naissance, UE, 2002-2020, (années)

 

 

 

Les estimations calculées par Eurostat sur la base des données de 2020 suggèrent que dans la plupart des États membres, il y a eu une diminution significative de l’espérance de vie en 2020. Les baisses les plus importantes de l’espérance de vie totale à la naissance (hommes et femmes) ont été enregistrées en Espagne (-1,6 par rapport à 2019), suivie de la Bulgarie et de la Pologne (chacune -1,5), puis de la Lituanie et de la Roumanie (chacune -1,4).

Le tableau suivant montre qu’en 2019, l’espérance de vie a augmenté dans 25 États membres de l’UE par rapport à l’année précédente, les exceptions étant la Grèce et Chypre. Cependant, si l’on compare l’espérance de vie en 2020 avec celle de 2019, elle a diminué d’un an ou plus dans 9 États membres (Belgique, Bulgarie, Tchéquie, Espagne, Italie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovénie), elle a diminué de moins d’un an en 16 États membres, et augmenté d’un modeste 0,1 au Danemark et à Chypre.

Dans toutes les régions de l’UE, en 2020, l’espérance de vie à la naissance la plus élevée se situait dans l’île française de Corse (84,0), suivie des îles Baléares en Espagne (83,9), de la région de l’Épire en Grèce (83,8), de la Galice en Espagne et de l’Ombrie en Italie (83,7 chacun) et Midi-Pyrénées en France (83,6). Les régions de l’UE ayant l’espérance de vie à la naissance la plus faible se trouvaient en Bulgarie: nord-ouest (72,1), nord-centre (72,8) et nord et sud-est de la Bulgarie (72,9).

 Espérance de vie à la naissance, 1980-2020, (années)

L’espérance de vie à 65 ans a également fortement diminué en 2020. En 2020, l’espérance de vie à 65 ans est estimée à 19,3 ans (0,9 an de moins que l’année précédente), chutant à 21,0 ans pour les femmes. (0,8 an de moins qu’en 2019) et 17,4 ans pour les hommes (0,9 an de moins qu’en 2019). En 2020, l’espérance de vie à 65 ans a chuté de manière significative dans la plupart des États membres de l’UE, tant pour les hommes que pour les femmes (tableau suivant).

Espérance de vie à 65 ans, 1980-2020, (années)

 

L’espérance de vie en bonne santé dans l’UE et l’état de santé perçu par les citoyens ont augmenté au cours des dernières années. En ce qui concerne le nombre d’années, l’enfant peut s’attendre à vivre en bonne santé, c’est-à-dire sans incapacité ni limitations fonctionnelles, ce chiffre est inférieur d’environ 17 ans à l’espérance de vie globale, à 64,6 ans en 2019. Entre 2016 et 2019, les années de vie en bonne santé ont augmenté de 0,6 an ( de 64,0 ans en 2016), tandis que l’espérance de vie n’a augmenté que de 0,4 an (contre 80,9 ans en 2016). Cela signifie que les enfants nés dans l’UE peuvent s’attendre à vivre une partie de plus en plus importante de leur vie en bonne santé.

Années de vie en bonne santé à la naissance, par pays, 2014 et 2019 (années)

Source : Eurostat

 

Entre 2015 et 2020, la part des personnes se percevant comme étant en bonne ou très bonne santé a augmenté de 2,8 points de pourcentage. En 2020, 69,5 % des citoyens de l’UE jugeaient leur santé bonne ou très bonne. Toutefois, cette part variait fortement d’un État membre à l’autre, de 83,7 % à 44,3 %. Une différence considérable existe également dans le nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance, qui variait jusqu’à 20,2 ans entre les pays en 2019.

Entre 2016 et 2019, le nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance auxquelles les femmes pouvaient s’attendre a augmenté de 0,7 an, passant de 64,4 ans à 65,1 ans. Au cours de la même période, le chiffre pour les hommes a augmenté de 0,6 an, passant de 63,6 ans à 64,2 ans. Cela signifie que non seulement les femmes avaient une espérance de vie globale plus élevée, mais que leur nombre d’années de vie en bonne santé a également augmenté légèrement plus rapidement que celui des hommes sur la période à court terme surveillée. Cela a conduit à un élargissement de l’écart entre les sexes de 0,8 an en 2016 à 0,9 an en 2019. Dans environ 80 % des États membres, les femmes pouvaient espérer un plus grand nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance en 2019, alors que c’était le contraire pour les 20 % restants.

De manière générale, 69,5 % de la population de l’UE se percevaient en bonne ou en très bonne santé en 2020. Bien que l’on s’attende généralement à ce que les femmes vivent plus longtemps que les hommes (avec un écart entre les sexes de 5,5 ans en 2019), les femmes étaient moins susceptibles que les hommes évaluer leur état de santé comme étant bon ou très bon. En 2020, 67,1 % des femmes et 72,1 % des hommes considéraient leur santé comme bonne ou très bonne (un écart entre les sexes de 5,0 points de pourcentage).

En 2020, le nombre d’années de vie en bonne santé à la naissance était estimé à 64,5 ans pour les femmes et à 63,5 ans pour les hommes dans l’ UE.

La fourchette correspondante pour les années de vie en bonne santé à la naissance :

  • Pour les femmes se situait entre 54,3 ans en Lettonie et 72,7 ans en Suède (une fourchette de 18,4 ans),
  • Alors que celle des hommes  était comprise entre 52,6 ans en Lettonie et 72,8 ans en Suède (une fourchette de 20,2 ans).

 

Années de vie en bonne santé, 2020

 

 

 

b) L’éducation

Elle est une autre dimension importante de la qualité de la vie. L’éducation a tout d’abord des effets directs sur le revenu et la productivité de chacun. Elle a aussi des effets sur les perspectives de niveau de vie futur : un pays disposant d’un fort capital humain a en général des perspectives de croissance favorables, mais ceci renvoie à la question de la soutenabilité qui sera approfondie plus loin. La raison qui justifie la prise en compte de l’éducation parmi les composantes non monétaires du bien-être courant tient au fait que l’éducation permet d’ouvrir le champ des possibles, d’avoir une plus grande liberté de choix de vie. D’autre part, il est prouvé que les personnes les plus éduquées déclarent un plus grand bien-être subjectif, sont en meilleure santé et ont plus de liens sociaux, même si le sens de la causalité fait encore l’objet de recherches.

Mais ici aussi la frontière entre résultat du système éducatif et indicateur de qualité est assez floue (voir page Diversité tertiaire).

Les comparaisons internationales sont devenues un point d’appui incontournable au pilotage des systèmes éducatifs et à l’élaboration des politiques publiques d’éducation. Il est donc primordial d’en maîtriser la qualité et la pertinence afin de les utiliser à bon escient et d’en tirer des interprétations valides. À travers L’Europe de l’éducation en chiffres, la DEPP propose un panorama complet d’indicateurs et d’analyses pour apprécier les résultats mais aussi la diversité des modes d’organisation de la scolarité dans l’Union européenne, et situer la France par rapport à ses voisins. Sont présentées ici les données du chapitre 5 sur les résultats des systèmes éducatifs européens.

Les politiques d’éducation et de formation ont acquis une place particulièrement importante dans l’Union européenne (UE) depuis l’adoption, en 2000, de la stratégie de Lisbonne. En 2021, l’Union européenne a établi une nouvelle stratégie (troisième depuis Lisbonne) dans laquelle elle s’est fixé sept objectifs à l’horizon 2030 en matière d’éducation et de formation. Selon le Conseil de l’Union européenne, les objectifs ou cibles sur l’éducation et la formation fixés pour 2030 doivent être considérés comme des niveaux de référence des performances moyennes européennes. Ils sont suivis au niveau européen par des données comparables et tenant compte de la diversité des situations des États membres. Parmi les sept objectifs définis par le Conseil, cinq font à ce jour l’objet d’un suivi statistique complet.

À l’horizon 2030, l’Union européenne (UE) s’est assigné cinq cibles qui font l’objet d’un suivi statistique annuel :

  1. Participation à l’accueil et à l’éducation des jeunes enfants : d’ici 2030, au moins 96% des enfants entre 3 ans et l’âge de début de l’enseignement élémentaire obligatoire devraient participer à l’éducation.
  2. Sorties précoces de l’éducation et de la formation (early leaving from education and training : ELET) : d’ici 2030, la part des jeunes quittant prématurément l’éducation et la formation devrait être inférieure à 9%.
  3. Faible niveau dans les compétences de base : d’ici 2030, la part des jeunes de 15 ans ayant de faibles résultats en lecture, en mathématiques et en sciences devrait être inférieure à 15%. : d’ici 2030, la part&
  4. Faible niveau en littératie numérique d’élèves de huitième année d’enseignement obligatoire ayant de faibles résultats en littératie numérique devrait être inférieure à 15%.
  5. Diplômés de l’enseignement supérieur : d’ici 2030, au moins 45 % des individus âgés de 25 à 34 ans

À ce stade, la moyenne pondérée des 27 États membres de l’Union européenne est en dessous des cinq objectifs suivis (5.1.1 et 5.1.2). De plus, aucun pays de l’UE‑27 n’a encore atteint l’ensemble des objectifs.

Au total, en 2022, seules la Belgique, la France et l’Irlande ont atteint trois objectifs, et 10 pays (dont l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal ou encore la Finlande) en ont atteint deux. L’objectif concernant la maîtrise insuffisante dans les compétences de base est le moins souvent atteint par les pays. Lors de l’enquête PISA 2018 la Pologne sont les seuls pays de l’UE à avoir eu moins de 15% d’élèves faiblement compétents dans les trois domaines évalués par l’enquête.

En 2022, les résultats de la France dépassent les cibles communes relatives à la participation à l’éducation et à la formation ainsi que celle concernant les niveaux de qualification. En effet, dans ce pays, 100% des enfants entre 3 ans et 6 ans participent à l’éducation, moins de 8 % des jeunes de 18 à 24 ans sont en situation de sortie précoce et plus de 50% des jeunes adultes âgés entre 25 à 34 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur (tableau suivant). Toutefois, comme dans de nombreux autres pays de l’Union, les résultats de la France sont en retrait par rapport aux objectifs collectifs concernant les compétences des élèves : environ 21 % des élèves âgés de 15 ans n’ont pas un niveau suffisant de compétences en compréhension de l’écrit, culture mathématique et culture scientifique, et plus de 40% des élèves de quatrième ont des compétences insuffisantes en littératie numérique.

Résultats de chacun des pays cités au regard des objectifs de la stratégie européenne en éducation et formation en 2022

Source : Eurostat

 

En 2021, en moyenne dans l’UE‑27, 41,2 % des jeunes de 25 à 34 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur (5.2.4). L’objectif de 45 % à l’horizon 2030 n’est donc pas encore atteint en moyenne, mais il l’est dans 13 pays dont la France (ici, 50,3% des 25-34 ans sont diplômés du supérieur). Parmi les 14 pays qui n’ont pas encore atteint l’objectif, on compte la Pologne (40,6%), l’Allemagne (35,7%) et surtout l’Italie (28,3%).

Dans l’ensemble des 27 États membres, les femmes sont plus souvent diplômées de l’enseignement supérieur que les hommes, avec 11 points d’écart en moyenne (5.2.5). Parmi les pays qui ont déjà plus de 45% de diplômés, la France est le pays qui présente l’écart de genre le plus faible (54,2% de femmes et 46,0% d’hommes, soit un écart de 8 points). Dans certains autres pays, les diplômés de l’enseignement supérieur sont notablement rares parmi les hommes : en Italie,22,3% des hommes sont diplômés contre 34,4% des femmes.

De plus, certaines disciplines sont marquées du point de vue du genre. Les femmes sont souvent surreprésentées dans les formations menant à l’enseignement (en 2020, 80 % des étudiants de l’UE‑27 de ce domaine sont des femmes) ou aux professions de la santé (74%), dans les disciplines littéraires ou artistiques (68%) et les sciences sociales (68%). En revanche, elles sont beaucoup moins nombreuses dans les formations telles que les Technologies de l’information et de la communication (elles ne représentent que 21% des étudiants de l’UE‑27 de ce domaine en 2020) ou de l’industrie manufacturière (27%). L’orientation des femmes dans l’enseignement secondaire et supérieur contribue à expliquer une partie des inégalités de salaires ou de statuts entre les deux sexes.

Évolution de la proportion de jeunes âgés de 25 à 34 ans diplômés de l’enseignement supérieur, en France et dans l’UE‑27 selon le sexe, entre 2011 et 2021

 

La stratégie de l’Union européenne à 27 (UE‑27) en matière d’éducation et de formation à l’horizon 2030 se donne pour objectif d’avoir moins de 15 % d’élèves « faiblement performants », c’est-à-dire de ceux qui se situent dans un groupe de performance inférieur au «niveau 2» dans chacun . Dans la répartition par&des trois domaines de PISA 2018 groupe de niveau, le niveau 2 est le seuil à partir duquel « les élèves commencent à être capables d’utiliser leurs compétences en lecture pour acquérir des connaissances et résoudre des problèmes pratiques ».

En moyenne dans l’UE‑27, 22,5 % des élèves âgés de 15 ans ne parviennent pas au seuil des compétences minimales dans le domaine majeur de l’évaluation à PISA 2018, à savoir la compréhension de l’écrit. La situation est similaire dans les deux autres domaines évalués (cultures mathématique et scientifique), domaines mineurs en 2018, où la moyenne européenne est respectivement de 22,9% et 22,3%. L’Union souhaite que chacune de ces proportions soit inférieure à 15% d’ici 2030.

En France, la situation est légèrement meilleure que la moyenne européenne : il y a environ 21 % d’élèves faiblement compétents dans chacun des trois domaines évalués en France contre 23% dans l’UE. L’Allemagne est proche de la France, mais l’Espagne et l’Italie sont dans des situations plus difficiles. Seules l’Estonie, la Finlande et la Pologne avaient moins de 15 % d’élèves avec des compétences insuffisantes dans les trois domaines à PISA 2018.

Proportion d’élèves de 15 ans faiblement performants en compréhension de l’écrit, culture mathématique et culture scientifique en 2018

 

L’objectif sur les compétences numériques est suivi par l’en‑  de l’IEA. Pour atteindre l’objectif, les pays devront avoir moins de 15% d’élèves de huitième année d’enseignement obligatoire (classe de quatrième en France) faiblement compétents en littératie numérique qui est définie comme comme « la capacité d’un individu à utiliser efficacement un ordinateur pour collecter, gérer, produire et communiquer des informations à la maison, à l’école, sur le lieu de travail et dans la société». En 2018, seuls six pays de l’UE ont participé à l’en‑quête, et le calcul d’une moyenne européenne est impossible sur un nombre aussi limité.

Ces six pays dépassent le seuil maximal d’élèves faiblement compétents en littératie numérique fixé par l’Union européenne, à savoir 15 % : les moyennes s’étendent de 16,2 % au Danemark à 50,6% au Luxembourg, en passant par 43,5% en France.

Proportion d’élèves de huitième année d’enseignement obligatoire (classe de quatrième en France) faiblement compétents en littératie numérique, selon le sexe en 2018

 

c) Quantifier l’insécurité : un exercice particulièrement difficile

La sécurité physique, ou la manière dont elle est perçue, constitue un autre facteur déterminant le sentiment de bien-être des personnes. L’insécurité personnelle comprend notamment les crimes, les délits et les accidents (et tout autre menace contre l’intégrité physique des individus). Il est à noter que le sentiment d’insécurité est relativement peu corrélé au degré de sécurité effectif. Mais quantifier l’insécurité est un exercice compliqué. Par rapport aux sources administratives, les données d’enquêtes ont l’avantage de ne pas dépendre des changements de comportement de déclaration aux forces de l’ordre ou de modes d’enregistrement des déclarations par les forces de l’ordre. Les données d’enquêtes seraient ainsi plus aptes à retracer la délinquance de masse « stéréotypée », mais elles auraient plus de difficulté à capter les évènements rares
comme les homicides.

La sécurité physique fait référence au fait d’être protégé de toute situation mettant en danger la sécurité physique d’un individu  cela peut inclure le crime et la violence. Souvent, un manque perçu de sécurité physique peut affecter le bien-être subjectif plus que l’effet d’une menace réelle. Par exemple, l’homicide ne cause qu’une petite fraction du nombre total de décès dans l’UE chaque année, mais son influence sur la vie émotionnelle des gens peut être considérable. Par conséquent, certains crimes qui ont le potentiel d’affecter la sécurité physique d’une personne sont souvent amplifiés socialement, avec une augmentation des sentiments d’insécurité ou d’anxiété.

En 2020 (l’année pour laquelle les dernières données sont disponibles), le ratio d’homicides pour 100 000 habitants était le plus élevé en Lettonie (4,88 homicides pour 100 000 habitants), suivie de la Lituanie (3,54) et de l’Estonie (2,78). Les taux d’homicides les plus faibles ont été enregistrés au Luxembourg (0,32), en Italie (0,48) et en Slovénie (0,52). (graphique suivant)

Une comparaison entre 2010 et 2020 révèle que le nombre d’homicides pour 100 000 habitants a diminué dans la plupart des États membres. Le taux n’a augmenté que dans cinq États membres: la Lettonie, Chypre, la Suède, Malte et la France

Homicides enregistrés par rapport à la taille de la population, 2010 et 2020 (pour 100 000 habitants)

 

 

d) L’insécurité économique

1 – Sécurité économique

En 2021, près d’une personne sur trois (30,1 %) dans l’ UE a déclaré ne pas être en mesure de faire face à des dépenses financières imprévues (voir figure 1), soit une baisse de 2,4 points de pourcentage  (pp) depuis 2020. crise économique, cette part a culminé à 40 % en 2012, après quoi la situation s’est améliorée pendant sept années consécutives et elle a atteint 30,9 % en 2019. En 2020, lorsque la pandémie de COVID-19 a commencé, la tendance s’est inversée et la part est passée à 32,5 % .

Part de la population incapable de faire face à des dépenses financières imprévues, UE, 2011-2021, (% de la population totale)

En 2021, au niveau des États membres, l’insécurité économique mesurée par la part de la population incapable de faire face à des dépenses financières imprévues était la plus courante en Roumanie (47,3 %), en Croatie (46,5 %), en Grèce (46,3 %), à Chypre (43,4 % ) et la Lettonie (41,7 %) – comme le montre le graphique 2. Contrairement à 2011, lorsque la part de la population en situation d’insécurité économique était supérieure à 50 % dans neuf États membres, atteignant 80,4 % en Lettonie et 74,4 % en Hongrie, en 2021 cette part était inférieure à 50 % dans tous les États membres. La meilleure situation a été observée aux Pays-Bas (15,1 %), à Malte (15,7 %), en Tchéquie (18,1 %), en Suède (18,4 %), en Autriche (18,6 %) et au Danemark (19,5 %), où moins d’un cinquième des la population fait face à de telles difficultés.

Dans l’ensemble de l’UE, la part de la population incapable de faire face à des dépenses financières imprévues a chuté de 8,2 pp entre 2011 et 2021. Les plus fortes baisses ont été observées en Hongrie et en Lettonie, où la part a diminué de moitié au cours de cette période (passant de 74,4 % à 34,8 % en Hongrie et de 80,4 % à 41,7 % en Lettonie). Des baisses à deux chiffres ont été observées dans 11 États membres. Dans l’ensemble, il y a eu une baisse considérable dans tous les États membres sauf deux au cours de cette période: en Grèce, la part a augmenté de 11,9 pp (à 46,3 %) et au Portugal de 2,1 pp (à 31,2 %).

Part de la population incapable de faire face à des dépenses financières imprévues, 2011 et 2021, (% de la population totale)

 

 

 

 

2 – Intensité de travail

La très faible intensité de travail était plus courante chez les personnes vivant dans des ménages de deux adultes, dont au moins un âgé de 65 ans ou plus et les ménages d’une personne

En 2021, 8,9 % de la population en âge de travailler de l’UE vivaient dans un ménage à très faible intensité de travail (tableau suivant). Cette part variait de moins de 5,0 % en Roumanie (3,5 %), en Slovénie (3,6 %) et en Slovaquie (4,3 %, données de 2020) à plus de 10,0 % dans six États membres de l’UE, atteignant un pic en Irlande avec 13,0 %.

Parmi les différents types de ménages présentés dans le tableau 1 , la très faible intensité de travail était la plus élevée pour les ménages composés de deux adultes, dont au moins un âgé de 65 ans ou plus avec une part de 30,1 %. Les ménages d’une personne avec enfants à charge et les personnes vivant seules suivent avec des parts respectives de 25,4 % et 19,2 %.

Dans les États membres de l’UE, dans les ménages de deux adultes dont au moins un est âgé de 65 ans ou plus, la part des ménages à très faible intensité de travail variait en 2021 entre moins de 10,0 % au Danemark (7,3 %) et en Finlande (9,1 %) et plus 40,0 % en Irlande (41,6 %) et en Grèce (41,9 %).

En ce qui concerne les ménages d’une personne, dans les États membres de l’UE, la proportion de personnes seules avec enfants à charge était plus élevée que celle des personnes vivant seules dans 19 pays.

 Part de la population âgée de moins de 65 ans vivant dans des ménages à très faible intensité de travail, analysée par type de ménage, 2021, (%)

 

 

3 – Risque de pauvreté et intensité de travail

Le risque de pauvreté diminue considérablement à mesure que l’intensité du travail augmente. Dans l’UE, le taux de risque de pauvreté des personnes en âge de travailler vivant dans des ménages à très faible intensité de travail était de 62,2 % en 2021. Ce taux variait de 44,6 % au Luxembourg et 45,6 % à Chypre à plus de 70,0 % de la population dans dix États membres de l’UE, atteignant un pic de 80,6 % en Croatie (carte suivante)

Taux de risque de pauvreté des personnes âgées de moins de 65 ans vivant dans des ménages à très faible intensité de travail, 2021

 

 

 

e) De la mesure du bien-être courant à la mesure de sa soutenabilité

La soutenabilité constitue un autre grand thème auquel s’est intéressé la Commission Stiglitz-Zen-Fitoussi. On parle de soutenabilité ou de développement durable si le niveau de vie actuel peut être maintenu à l’avenir, de sorte que le bien-être des générations actuelles ne vienne pas obérer celui des générations futures.

Ce principe ayant été posé, comment quantifier la soutenabilité ? La commission a fait largement référence à un cadre d’analyse qui lui a semblé à la fois pertinent et suffisamment flexible pour englober les principales dimensions du problème. C’est ce que la littérature a pris l’habitude d’appeler l’approche par le capital – au sens large du terme – ou par les stocks. Selon cette approche, la durabilité suppose de léguer aux générations suivantes des stocks de ressources suffisants pour qu’elles puissent bénéficier d’un niveau de vie au moins équivalent au niveau de vie courant. Ces stocks sont de nature très diverses : le niveau de vie des générations futures dépend de ce que nous leur laisserons comme capital physique (outils de productions, bâtiments…), comme ressources naturelles, mais encore d’un certain nombre de ressources immatérielles, non seulement des connaissances
et des techniques mais aussi tout un ensemble d’institutions qui permettent à la société de produire et de répartir les richesses ainsi produites.

Idéalement, si l’on voulait produire un indicateur unique de soutenabilité, il faudrait tenter d’agréger l’ensemble de ces stocks et l’indicateur servirait à indiquer si on peut considérer ce stock comme globalement croissant ou décroissant. Un stock décroissant serait l’indice d’une surconsommation de ressources, empêchant par la même les générations futures de bénéficier
de conditions de vie au moins aussi avantageuses que les nôtres.

Toute la question est de savoir s’il est raisonnable de viser un indicateur unique. Une telle tentative est conduite depuis plusieurs années par des chercheurs de la Banque Mondiale, qui ont proposé un indice de soutenabilité qualifié d’épargne nette ajustée (voir page Compte Environnement). L’idée est de quantifier globalement, pour chaque pays, le sens de l’évolution de son capital « élargi », incluant à la fois son capital au sens économique usuel du terme – il s’agira donc de son taux d’épargne global net de la dépréciation du capital fixe –, son capital humain – dont la variation est estimée de manière très imparfaite par les dépenses d’éducation –, ses diverses ressources naturelles, qu’elle soient non renouvelables (ressources minérales) ou renouvelables (forêt, …). Cet indicateur est complété par un décompte des émissions dans l’atmosphère de CO2 et autres particules polluantes, considérées comme facteurs de dégradation du « capital » que constituent la qualité du climat et la qualité de l’air.

Une telle approche, dans son principe, est bien en phase avec l’idée de quantifier la « surconsommation » nette des ressources. Elle le fait avec un cadre analytique qui s’articule aux concepts de la comptabilité nationale et elle a l’intérêt de rappeler que la soutenabilité n’est pas seulement une question environnementale : un pays qui préserverait ses ressources naturelles mais négligerait totalement l’investissement matériel ou l’éducation des jeunes générations ne serait pas dans une situation plus soutenable qu’un pays qui ferait les choix exactement inverses. Mais la démarche pose trois problèmes, que la commission a analysés en détail.

Le premier est celui du choix des poids relatifs qu’on attribue aux différents types de capitaux. Pour le capital économique au sens traditionnel du terme, la valorisation est en général faite aux prix de marché, selon le cadre standard de la comptabilité nationale : c’est déjà faire l’hypothèse que ces prix de marché reflètent bien les flux de services futurs que pourront rendre ces éléments de capital physique ou financier. Cette hypothèse est discutable et sans doute a-t-elle été mise à mal par la crise économique récente.

Pour le capital humain, il n’y a pas de valeur de marché explicite : il faut donc essayer de le valoriser indirectement à partir des perspectives de rémunération des individus de différentes qualifications. Une méthode plus simple se fonde uniquement sur le montant des dépenses d’éducation. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’approximations dont la valeur
peut-être discutée.

S’agissant des ressources naturelles pour lesquelles il existe des marchés – par exemple les ressources fossiles –, on peut s’appuyer sur les prix pratiqués sur ces marchés, mais cette démarche revient à nouveau à faire l’hypothèse que les prix révèlent bien l’importance que ces ressources pourront avoir à long terme pour les générations futures. Cette hypothèse est fragile, et l’impossibilité de se fonder sur des prix de marché devient totale pour les autres formes d’atteintes à l’environnement : ce qu’on qualifie aujourd’hui de prix du CO2, tel qu’il s’échange sur les marchés de droits à polluer, n’a pas de raison de bien traduire le degré auquel les émissions actuelles sont susceptibles d’affecter le bien-être futur. Le même raisonnement peut être appliqué pour d’autres formes d’atteintes à l’environnement telles que les atteintes à la qualité de l’eau ou les pertes de biodiversité. Plus fondamentalement, on peut discuter la pertinence d’une simple agrégation linéaire des variations des différents stocks de capitaux.

 

 

 

 

3/ Un exemple des indicateurs : La qualité de la vie dans les villes de l’UE

La qualité de vie peut être définie comme le bien-être général des personnes vivant en société. C’est un concept large qui englobe un certain nombre de dimensions, à la fois des facteurs objectifs (ressources matérielles, santé, statut de travail, conditions de vie, etc.) et les perceptions subjectives que les gens ont – en d’autres termes, comment ils se sentent et comment ils perçoivent leur vie. propres vies. Les villes peuvent être à la fois la source et la solution de nombreux défis économiques, sociaux et environnementaux d’aujourd’hui. D’une part, ce sont des moteurs de l’Union européenne économique, constituant des pôles de création de richesse et attirant un grand nombre de personnes en raison du large éventail d’opportunités qu’elles offrent dans les domaines économique, éducatif ou social. D’autre part, elles sont confrontées à une série de défis sociaux et environnementaux, tels que le logement abordable, la pauvreté, la criminalité, la congestion et la pollution.

 

a) Transport

Il existe une gamme de facteurs d’attraction qui peuvent inciter les gens à se rendre dans les villes : par exemple, des facteurs économiques qui font que les gens font la navette depuis les régions voisines, des possibilités d’éducation ou des aspects culturels et récréatifs. Les longs trajets domicile-travail peuvent être associés à une congestion accrue, à une mauvaise qualité de l’air, à des émissions de bruit et à des niveaux élevés d’émissions de dioxyde de carbone, ainsi qu’à des coûts économiques (pour les particuliers, les autorités locales et les entreprises). La proportion de personnes qui utilisent les transports en commun pour se rendre au travail est généralement beaucoup plus élevée dans les plus grandes villes de l’UE, tandis que dans les petites villes, agglomérations et banlieues, l’utilisation de véhicules à moteur privés tend à être le principal mode de transport pour se rendre au travail.

Les décideurs politiques cherchent à améliorer la qualité de vie et à renforcer l’économie en promouvant une mobilité urbaine durable et une utilisation accrue de véhicules propres et économes en énergie, tout en réduisant la congestion , les accidents et la pollution.

Le graphique suivant montre les différents modes de transport utilisés par les personnes pour se rendre au travail dans les 20 villes allemandes les plus peuplées en 2016 :

  • plus des deux cinquièmes de tous les trajets vers le travail à Munich, Berlin et Hambourg se faisaient en transports publics ;
  • plus des deux tiers de tous les trajets domicile-travail ont été effectués en voiture dans les villes de Bochum, Essen et Duisburg – ces trois villes sont situées dans la Ruhr, la plus grande région métropolitaine d’Allemagne ;
  • plus d’un cinquième de tous les trajets pour se rendre au travail à Brême et plus d’un tiers de tous les trajets pour se rendre au travail à Münster ont été effectués à vélo;
  • plus d’un dixième de tous les trajets vers le travail à Wuppertal et Stuttgart se faisaient à pied.

 Part des trajets domicile-travail par mode de transport, villes allemandes, 2016

Une analyse similaire est présentée dans le graphique suivant, portant sur les 20 villes françaises les plus peuplées en 2019 :

  • environ la moitié de tous les trajets vers le travail à Paris, la capitale française, ont été effectués en transports en commun ;
  • dans les villes de Cannes-Antibes, Toulon, Reims, Orléans, Saint-Étienne et Lille, plus des deux tiers des trajets domicile-travail sont effectués en voiture ;
  • Strasbourg et Grenoble étaient les seules villes françaises où une part à deux chiffres de personnes utilisait un vélo pour se rendre au travail ;
  • plus d’un dixième des déplacements pour se rendre au travail à Nancy, Saint-Étienne, Nice, Reims, Rennes, Rouen et Lyon se font à pied.

 

 Part des trajets domicile-travail par mode de transport, villes françaises, 2019

 

Les réseaux cyclables fournissent un ensemble interconnecté de pistes/pistes cyclables dédiées, souvent avec des services supplémentaires tels que des parkings pour vélos et l’intégration du transport multimodal. À l’exclusion des villes néerlandaises – où les dernières données couvrent toutes les routes et chemins/pistes qui permettent l’utilisation des vélos – il y avait cinq (autres) villes qui avaient des réseaux cyclables qui s’étendaient sur plus de 1 000 km, il s’agissait de : Berlin, München et Hambourg (tous en Allemagne), Helsinki et Espoo (tous deux en Finlande). Dans la plupart des États membres, les capitales disposaient généralement des réseaux cyclables les plus longs, à quelques exceptions près : Anvers (Belgique), Milan (Italie), Rotterdam (Pays-Bas) et Košice (Slovaquie).

Les réseaux de transport urbain présentent des lacunes : par exemple, les services peuvent être surchargés, ne fonctionner que rarement ou seulement à certains moments de la journée, ou ne pas desservir un endroit particulier. En conséquence, certaines personnes utilisent les taxis comme mode de transport alternatif. Les taxis peuvent, dans certains cas, être particulièrement importants pour certains groupes de la société, comme les personnes âgées, car ils permettent aux personnes sans voiture de rester actives et mobiles, améliorant ainsi leur qualité de vie.

Le prix d’un trajet en taxi peut refléter une série de facteurs différents, notamment le temps et la distance parcourus, le prix du carburant, l’heure de la journée, le jour de la semaine, divers suppléments, ainsi que le coût d’une licence d’exploitation. La figure 5 montre le coût d’un trajet en taxi de 5 km vers un centre-ville pendant la journée. En 2021, il y avait des différences considérables dans les prix des taxis à la fois au sein et entre les États membres de l’UE.

 

 

b) Indicateurs d’enquête de perception

Les villes sont confrontées à une série de défis qui ont un impact sur la qualité de vie, notamment les transports, la santé, l’éducation, les équipements culturels et sportifs, la sécurité et les préoccupations environnementales. Les informations présentées ici proviennent d’un rapport sur la qualité de la vie dans les villes européennes.  , qui détaille les résultats d’une enquête de perception menée en 2019 dans 83 villes européennes.

Le graphique suivant présente des informations sur la part de la population des capitales de l’UE qui était très satisfaite des transports publics, des soins de santé ou des services d’éducation en 2019.

  • Des parts relativement élevées de la population étaient très satisfaites des trois services à Prague (Tchéquie), Amsterdam (Pays-Bas ; grande ville) et Vienne (Autriche).
  • Moins de 10 % de la population des capitales italienne et roumaine de Rome et Bucareşt était très satisfaite des transports publics dans leur ville, une part qui s’élevait à 46,4 % dans la capitale allemande de Berlin et un pic de 70,0 % à Vienne.
  • À Budapest (Hongrie), Athènes (Grèce ; grande ville), Varsovie (Pologne), Rīga (Lettonie) et Bratislava (Slovaquie), moins de 10 % de la population était très satisfaite des services de santé, des médecins et des hôpitaux – cette proportion est passé à près de la moitié de la population d’Amsterdam (grande ville) et de Vienne.

Satisfaction à l’égard des transports publics, des services de santé et des écoles dans les capitales, 2019, (% de la population très satisfaite)

 

Le graphique suivant présente des informations sur la part de la population des capitales de l’UE qui était très satisfaite des installations culturelles, des installations sportives ou des espaces publics (ceux-ci incluent les marchés, les places et les zones piétonnes) en 2019.

  • Des parts relativement élevées de la population étaient très satisfaites de ces trois établissements à Ljubljana (Slovénie), Amsterdam (Pays-Bas ; grande ville), Copenhague (Danemark) et Vienne (Autriche).
  • Il y avait sept capitales où plus de la moitié de la population était très satisfaite des équipements culturels fournis – cette part culminait à 75,7 % à Vienne.
  • À Athènes (Grèce ), Bratislava (Slovaquie) et Bucareşt (Roumanie), moins de 10,0 % de la population était très satisfaite des installations sportives – Helsinki (Finlande ; grande ville) était la seule capitale à enregistrer une part de plus plus d’un tiers (37,3 %).
  • À Athènes, Rome (Italie) et Bucareşt , moins de 10,0 % de la population était très satisfaite des espaces publics de leur ville – en revanche, près des deux cinquièmes de la population était très satisfaite à Vienne, Ljubljana (Slovénie) et Copenhague
Satisfaction à l’égard des équipements culturels, des équipements sportifs et des espaces publics dans les capitales, 2019 (% de la population très satisfaite)

 

 

 

 

 

 

 

 

Michel Braibant


BIBLIOGRAPHIE

 

 

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)